Nous sommes le 9 mai, jour de la victoire face à l’Allemagne nazie que la Russie commémore un jour après les pays occidentaux. Jean-Luc Mélenchon s’est rendu à Moscou pour l’occasion. Or, les communistes russes qu’il a rencontrés donneraient des boutons à bien des cadres de La France insoumise…
D’après ses propres mots, Jean-Luc Mélenchon s’est rendu en Russie pour commémorer le 9 mai, « le jour de la date anniversaire de la victoire de l’Armée rouge sur les nazis ». Le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale prend part au fameux défilé du Régiment immortel qui a lieu chaque année à Moscou en mémoire des soldats de l’Armée rouge tombés au champ d’honneur lors de ce que les Russes appellent la Grande Guerre patriotique.
Staline allié à l’Eglise orthodoxe
Pour nombre de socialistes post-soviétiques, et qui plus est pour le Parti communiste russe (KPRF), cette victoire ne symbolise pas seulement le triomphe de la civilisation sur la barbarie, mais également l’union éphémère de l’État socialiste et de l’Église orthodoxe sous le commandement de Staline au nom de la mère patrie. Un tel syncrétisme politico-religieux suffit généralement à donner des haut-le-cœur aux partisans les plus chevronnés de Jean-Luc Mélenchon.
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, la gauche russe a fait sa mue et retenu les leçons de l’échec du marxisme-léninisme-stalinisme à l’Est de même que de la social-démocratie à l’Ouest. C’est pourquoi le principal fer de lance du socialisme russe, le KPRF, premier parti d’opposition au Kremlin depuis près de vingt-cinq ans, prône un communisme non plus matérialiste et mondialiste mais traditionaliste et nationaliste. Loin d’approuver l’engouement de la gauche euro-américaine pour la défense des minorités, l’écrasante majorité des socialistes russes d’aujourd’hui se retrouve de facto à l’extrême droite du Front national sur la plupart des questions de société ayant trait à l’identité et à la citoyenneté. Du moins si l’on en croit le logiciel post-trotskiste d’un Alexis Corbière ou le tiers-mondisme indigéniste d’une Danièle Obono.
Socialement égalitaire, culturellement identitaire
À l’occasion de son séjour à Moscou, Jean-Luc Mélenchon prévoit notamment de rencontrer Sergueï Oudaltsov, le leader du Front de Gauche, un mouvement politique qui n’a en commun que le nom avec l’ancien parti du fondateur de la France insoumise. Et pour cause, Oudaltsov a été l’un des principaux promoteurs médiatiques de la candidature de Pavel Grudinin, le champion du KPRF à l’élection présidentielle de mars 2018, en appelant sans relâche à l’alliance des nationalistes et des socialistes dans les urnes afin de battre Vladimir Poutine. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si, en France, Florian Philippot ou Djordje Kuzmanovic défendait en 2022 les couleurs de la France insoumise et du Front national sur la base d’un programme commun à la fois socialement égalitaire et culturellement identitaire.
Le socialisme du troisième millénaire
Sergueï Oudaltsov a été à bonne école : passé par les rangs des marxistes-léninistes de l’Avant-Garde de la Jeunesse Rouge (AKM) avant de lancer sa propre organisation, à l’instar de toute une génération de socialistes russes, il s’est construit politiquement et culturellement en soutenant activement les concerts moscovites du chaman punk Egor Letov, un artiste sibérien iconoclaste à la confluence du communisme et du nationalisme, membre fondateur en 1993 du Parti national-bolchevique aux côtés de l’écrivain Édouard Limonov et du philosophe Alexandre Douguine. Bref, vu de Russie, le socialisme du futur est moins mondialiste et libertaire que traditionaliste et identitaire.
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