Lettre à ma cousine de province
Ma cousine, mon affolante, ma superbe Érythie qui m’offre ses pommes d’or et tout le verger secret des Hespérides, mon port de l’Occident extrême où vient mouiller mon désir, mon idole incarnée qui reçoit sans se lasser mon obole cent fois versée, ma demeure au bord du monde, quand pourrais-je enfin baiser vos pieds gainés de ce voile transparent qui fait de vos jambes un ruisseau de soie, dont je remonte le cours jusqu’à sa source de chair et de fourrure sombre… Ma promesse adorable, ma cousine inassouvie qui donne autant qu’elle prend, mon oasis et mon mirage, apprenez que votre cousin est aujourd’hui la proie du doute et du spleen.
Entendez son récit et voyez s’il n’a pas de bonnes raisons d’être accablé.
Le second peuple du Premier ministre
Pardonnez-moi, mais je vous entretiendrai une fois de plus de Melanchthon. Vous connaissez le résultat des élections, où l’on a vu McCaron se succéder à lui-même sur le trône de France. À ce propos, on a vu, lors de la cérémonie du couronnement, Landry Labius, encore plus gonflé de sa personne qu’à l’ordinaire, se rendre ridicule en voulant paraître savant : voulant énumérer de mémoire le nombre de voix en faveur du roi, il hésita puis se trompa. Enfin, il imposa trop longtemps sa présence, se fit professeur de politique, conseiller supérieur, alors qu’il aurait dû rapidement s’esquiver, retrouver son rang, très en-dessous du pouvoir et de l’action. Bercé par le chant des fées qui veillaient sur son berceau, largement pourvu par la nature et par la naissance, brillant, promis au trône, il se complaît dans les honneurs d’établissement, qui sont des hochets de consolation. Que reste-t-il du jeune homme pressé, que tout-Paris courtisait ? Un personnage considérable et désuet.
Les élections, donc : il y aurait maintes choses à dire sur cet événement, mais je vais à ce qui m’occupe aujourd’hui : l’importance paradoxale et dangereuse ô combien ! de Jehan–Lucilien Mélanchthon, après qu’il a, une fois de plus, échoué à conquérir le royaume par les urnes. Eh bien, ce déplaisant perturbateur endoctrinien (pardonnez à votre cousin ce néologisme) prétend à une victoire fondée sur l’intimidation ! Cet homme, qui exerce sur ses partisans la fascination d’un guide spirituel féroce, a transformé sa défaite en défi au roi et à nos institutions. Renversant les termes du contrat politique déjà ancien, imaginé par le fondateur de la dynastie élective, l’immense Charles de Lille,
