Accueil Politique Mélenchon-Le Pen match nul, voire nullissime

Mélenchon-Le Pen match nul, voire nullissime


Non seulement j’ai regardé en direct le refus de débat maquillé en débat, sur France 2, entre Jean-Luc Mélenchon et Marine le Pen. Mais, ce matin, en plus, j’ai amélioré mon petit dej’ avec le best of proposé par tous les sites internet de journaux. Drôle de chose télévisuelle quand même.Entre les insultes et les saillies drôles du candidat du Front de gauche, et la moue boudeuse et le regard fuyant de l’autre plongée dans Nord-Matin, je me suis franchement demandé à quoi j’assistais.

Ajoutons à cela l’animateur journaliste débordé et craignant plus que tout la moindre seconde de silence qui se prolonge et le public hilare dès que Mélenchon ouvre la bouche et nous voilà rendu à une chose : l’épuisement du débat public à la télé.

Je ne sais pas si la candidate du Front National a eu raison ou pas de refuser le débat avec celui qu’elle qualifie de petit candidat. Je ne suis pas loin de partager l’analyse tranchée du camarade Leroy ici même. Je ne sais pas qui a gagné des voix hier soir. J’ai juste l’impression que la grande chaîne publique France 2 et les deux candidats ont offert des minutes de futur best-of des Enfants de la télé, et en toute conscience, ce qui est peut-être le pire dans cette histoire.

Dans quelques années, dans les rétrospectives de campagnes présidentielles (si l’Europe ne nous a pas débarrassé du souci des élections au suffrage universel, ce vestige des Etats-Nations ringardisés), on ressortira à tous les coups les images de ce non-débat, un peu comme les Adieux de Fontainebleau de Giscard, le « monopole du cœur » du même, sept ans plus tôt, le perfide « Mais vous avez tout à fait raison Monsieur le Premier Ministre » expédié par Mitterrand dans les dents de Jacques Chirac, les saillies gouailleuses de Georges Marchais au temps où les ouvriers votaient à gauche, ou bien, ma préférée, l’inoubliable « Je vous demande de vous arrêter ! »

Après tout quel est le problème ? La télé sert d’abord à faire du spectacle, et si par miracle on peut en tirer autre chose, c’est du bonus. Mais là où ça devient paradoxal, c’est que les deux protagonistes de ce spectacle sont ceux-là même qui le critiquent le plus violemment. Et si l’on pose l’équation dans les termes de la vulgate debordienne en vigueur chez les radicaux des deux bords, à savoir Spectacle = Système, ce sont ces deux là qui crient le plus fort leur fierté de n’y pas participer.

Jean-Luc Mélenchon par exemple est en guerre avec Le Petit journal de Canal plus, à juste titre je trouve. Mais pourquoi mener la guerre à cette ridiculisation du politique et accepter et d’en être délibérément complice une fois sur un plateau dit plus sérieux ? Marine le Pen elle, n’a officiellement pas peur des blagues de vieux potaches de Canal, mais exige des conditions spéciales pour aller faire le clown chez Laurent Ruquier sur France 2, notamment pour la composition du public, et ne s’en sort finalement pas trop mal.

En revanche, qu’elles qu’aient été les tensions d’avant direct, personne n’a jugé logique de claque la porte au nez de David Pujadas, le gendre idéal du 20h de France 2. Allez vous étonner ensuite que des semi-imitateurs connus de personne occupent l’espace médiatique en jouant les martyrs de la liberté d’expression après qu’ils aient piégé un autre potentiel candidat à la présidentielle et que la radio qui les emploie les vire pour canular pas drôle. On parle ici du pitoyable épisode Dupont-Aignan pensant répondre à Eric Cantonna, et balançant sur le président sortant. Alors qu’à l’autre bout du fil se cache Gérald Dahan, dont j’ignorais pour tout dire encore l’existence médiatique – je n’ose pas dire artistique.

Nous voici donc dans l’ère de la campagne présidentielle Enfants de la Télé/Petit Journal/tweets comiques sinistres/affiches détournées sur le net aussi drôles qu’un constat d’huissier. Il ne s’agit pas de dire c’était mieux avant. Non. Mais de constater comme toujours qu’il est compliqué, moralement s’entend, de lutter contre des turpitudes qu’on entretient soi-même, à coup de vannes et de gros plans aux heures de grande écoute.

Face à la multiplication des pitreries d’amateurs, on se prend à rêver d’un retour de Coluche, du vrai. Mais on m’a dit qu’il préfère rester là où il est, de peur, s’il redescendait, de devoir assister au prochain spectacle des Enfoirés.



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