Personne ne s’en inquiète et pourtant ce n’est plus exclu : le second tour de l’élection présidentielle pourrait opposer Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon. Il ne s’agit pas d’un scénario catastrophe échafaudé par un dépressif chronique. C’est la conclusion logique que chacun devrait tirer de l’observation des récents sondages. Quatre candidats, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon, convergent désormais autour de 20% à 22% des suffrages. Les deux premiers s’effritent, le troisième paraît disposer de réserves, le quatrième a le vent en poupe. Dès lors, difficile de tabler sur un ordre d’arrivée. En 2002, Jean-Marie Le Pen a devancé Lionel Jospin de moins d’1%. A ce jour, un second tour Marine Le Pen- Jean-Luc Mélenchon reste improbable. Mais il n’est plus impossible.
Chambardement général
Décidément, cette élection présidentielle est folle. Chacun a en mémoire les épisodes précédents. Le forfait du président sortant, François Hollande, pour cause d’impopularité abyssale. L’élimination de Nicolas Sarkozy au premier tour de la primaire de la droite. L’élimination au second tour d’Alain Juppé, qui avait longtemps fait figure de grand favori de la présidentielle. Le gadin immédiat de leur vainqueur, François Fillon, pour cause de Penelopegate. L’irruption d’un ovni politique, Emmanuel Macron. La défaite de Manuel Valls à la primaire socialiste. Les lendemains qui déchantent pour son vainqueur, Benoit Hamon. Et maintenant, le changement de statut de Jean-Luc Mélenchon.
Ce grand chambardement a une cause profonde : le profond rejet des partis dits de gouvernement. A eux deux, les candidats des Républicains et du PS, Fillon et Hamon, drainent à peine plus d’un quart des suffrages.La France reste sur deux quinquennats ratés. Sarkozy n’a pas même amorcé « la rupture » qu’il avait promise. Hollande a oublié « le changement » aussitôt élu. Le chômage frappe massivement les jeunes issus des catégories populaires, quelle que soit la couleur de leur peau. Notre République « une et indivisible » est fracturée entre des communautés qui se replient sur elles-mêmes. Dans ces conditions, comme partout en Europe et dans le monde, l’hexagone connaît une vague populiste.
Un populisme ça va, deux…
Reste que les programmes de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon défient le bon sens. Au moins sur le plan économique. Un seul exemple : une mesure qui leur est commune, le retour à la retraite à 60 ans. Tous les autres pays la portent à 65 ans et au-delà pour une raison évidente : on vit de plus en plus vieux. Comment la France pourrait-elle, seule, remonter le temps ? C’est d’autant plus aberrant que les 62 ans décidés par Sarkozy en 2011 sont plus généreux que les 60 ans de Mitterrand en 1981 : entre temps, l’espérance de vie a augmenté de cinq ans. Le financement, faramineux, de cette mesure asphyxierait l’économie : tout le monde serait mis à contribution, à commencer par les entreprises, alors même que, face à la concurrence internationale, elles ont grand besoin d’allègement de charges.
Il reste quelques jours au camp Fillon comme au camp Macron pour se ressaisir. La droite doit cesser de faire la bégueule devant son candidat. Le leader d’en Marche doit arrêter de se regarder dans la glace et admettre qu’il ne gagnera pas tout seul. Surtout, il faut mettre fin à l’impunité dont bénéficie Mélenchon : alors que Marine Le Pen reste diabolisée, le candidat du Front de gauche a réussi à gommer son agressivité naturelle pour apparaître comme une sorte de bisounours. Sauf que derrière ce masque bonhomme, ses références restent Chavez et 1793.
Bien entendu, ce sont les électeurs qui auront le dernier mot. Devant la faillite de la classe politique traditionnelle, on peut comprendre qu’ils portent un candidat populiste au second tour. Mais, de grâce, pas deux.
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