Mélenchon savoure sa revanche. Après avoir quitté le Parti socialiste il y a 14 ans, il est en passe de faire main basse sur la gauche française. Les Insoumis ont beau professer une sixième République et la fin de ce qu’ils qualifient de “monarchie présidentielle”, la figure un tantinet autoritaire de « Méluche » apparaît comme toute puissante à la veille des législatives.
Le leader des Insoumis est en train d’opérer une OPA sur toute la gauche. Comment cet extrémiste est-il parvenu à incarner à lui seul l’unité de la gauche ? Par quel tour de passe-passe la gauche, fief des intellos et des sachants, est-elle en passe de se donner à ce politicien, certes talentueux, mais peu regardant sur la vérité historique et plus à l’aise avec le verbe et ses incantations qu’avec la réalité ? Essayons de démêler ce mystère…
Les yeux de Chimène de l’extrême-gauche pour les dictateurs
Abstraction faite de son score bigrement élevé à l’élection présidentielle (21,95% des suffrages exprimés), l’aura de Mélenchon tient à sa personnalité. Contrairement à ce qu’elle professe dans les salons bien-pensants, la gauche a toujours eu les yeux de Chimène pour les mâles dominants, les duces autoritaires. Cuba, URSS, Vénezuela et Chine communiste tiennent ou ont tenu grâce à la poigne de fer d’un seul homme. Par un paradoxe stupéfiant, la gauche collectiviste n’a jamais été réfractaire au pouvoir d’un seul homme ! Avec Mélenchon, LFI est en adéquation avec cet invariable de la gauche radicale. Et si on met de côté le mantra d’une hypothétique sixième République, la personnification du pouvoir a de beaux jours devant elle.
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« Plus à gauche que moi, tu meurs ! »
Ensuite, une grande partie de la gauche est persuadée que Hollande n’ayant jamais été de gauche, celle-ci n’a plus été au pouvoir depuis Jospin, c’est-à-dire depuis 2002. La plupart de ses militants sont donc prêts à toutes les compromissions pour revenir aux affaires. LFI leur en offre l’opportunité. Du moins est-ce ce qu’ils pensent.
Mélenchon profite également du penchant à la radicalité de la Révolution française, qui continue d’informer l’ADN de toute une partie de la gauche de notre pays. À cet égard, le leader des Insoumis est un héritier de l’histoire de notre pays. La gauche a besoin de mythes : la gauche radicale a trouvé le sien dans la geste révolutionnaire de 1793. Ce n’est un secret pour personne : Mélenchon s’est toujours rêvé en nouveau Robespierre.
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Par ailleurs, l’Insoumis en chef a su agréger autour de lui plusieurs mouvances nouvelles que le Mélenchon laïc et universaliste de 2017 n’aurait jamais reconnues pour siennes : wokisme, islamo-gauchisme, communautarisme. La gauche ayant perdu le peuple, LFI a dû se résigner à aller chercher d’autres électeurs en optant pour une sociologie à la fois des beaux quartiers bobos et des quartiers des banlieues de nos grandes villes.
Suspicion sur l’Europe
Enfin, la force de Mélenchon tient dans le fait que la gauche européiste est passée avec armes et bagages chez Macron. À part un dernier résidu de sociaux-démocrates réformiste resté au PS, le reste de la gauche juge que l’Europe est trop libérale. Aussi Mélenchon n’a-t-il pas eu trop de mal à les convaincre de les rallier à son point de vue sur ce sujet. Que feront les écologistes fédéralistes ? Peut-être quitteront-ils EELV.
Reste à savoir si cette dynamique d’union arrivera à se concrétiser dans les urnes à l’occasion des législatives de juin prochain.
François Ruffin, député de la Somme, semble conscient que sans le vote de la France périphérique, cela ne sera pas possible. Sur France inter, se félicitant que LFI ait gagné le vote des banlieues (où l’immigration est majoritaire), il déclarait le 28 avril : “je regarde ma circonscription: Mélenchon fait 60% dans les quartiers populaires. Et quand je vais à Fixecourt qui est une zone ouvrière à la campagne, il fait 14% et Marine Le Pen, 44%…” Avant d’ajouter: “Il faut tenir les deux bouts. Aujourd’hui, l’Union populaire, ça doit être l’union des quartiers populaires et des campagnes populaires”…
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