Accueil Politique La gauche fait son « big bang », Mélenchon fait… la sieste

La gauche fait son « big bang », Mélenchon fait… la sieste

Critiqué en interne, le chef des "Insoumis" devait sortir de son silence.


La gauche fait son « big bang », Mélenchon fait… la sieste
Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis le soir du scrutin du 26 Mai 2019. © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 00909410_000008

Clémentine Autain a entamé une fronde contre le « líder máximo » de la France insoumise. Lequel devrait s’exprimer à partir du 6 juin. Il ne va pas lui aussi tirer sa révérence, quand même ?


Tectonique des plaques aux lendemains des élections européennes. Au centre, la liste « Renaissance » de la majorité présidentielle n’est pas mécontente de sa seconde place. Bien à droite, le Rassemblement national (RN) est tellement triomphant que la nièce de Marine Le Pen estime nécessaire de sortir de son silence avec une intervention télévisée remarquée.

À droite : Bellamy est tout désolé de son petit score… Wauquiez et Pécresse, eux, quittent le navire des Républicains. Ça tangue sévère ! Bien de l’encre a coulé ces derniers jours sur ces formations politiques importantes. Regardons à présent ce qui se passe dans ce qu’il reste de la gauche radicale.

Où est passé Jean-Luc Mélenchon ?

Du côté de la France insoumise (LFI), on est toujours sonné par les piteux 6% réalisés par la liste de Manon Aubry. Alors que Mélenchon et ses ouailles se gaussaient du Parti Socialiste (PS) pour lui  avoir pris le leadership à gauche depuis quelques années, les voilà retombés au même niveau qu’un PS en décrépitude. Quel monde cruel ! A présent, les appétits s’aiguisent, et les positions des uns et des autres évoluent. Le chef est ainsi fortement critiqué, un peu comme ce fut le cas chez les LR complètement déroutés par le nouvel hold-up de Macron.

Pour les soutiens de Jean-Luc Mélenchon, la femme à abattre à LFI, c’est désormais Clémentine Autain. Cette dernière estime que le chef a failli. Selon elle, il a laissé s’installer en France un duel infernal entre « néolibéraux » et « néofascistes ».

L’effrontée a commis une tribune qui n’est pas du tout du goût de l’équipe de Mélenchon. Entre amis, ce genre de choses ne se font pas ! Son fameux appel « Pour un big bang de la gauche », repris dans le journal le Monde, est au centre de ce nouveau contentieux. Entre deux envolées de gauche écolo-mystico-progressistes ennuyeuses, le collectif de 1000 signataires emmené par la députée de Seine Saint-Denis critique la ligne politique du parti. On retrouve parmi les signataires l’écrivain énervé François Bégaudeau ou la militante pro-voile et pro-sparadrap pour « racisé·e·s » Rokhaya Diallo. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron, le courant ne passe plus entre « Méluche » et Autain. Entre eux, à la rigueur, cela n’avait pas grande importance. Mais si c’est désormais le fameux « peuple de gauche » qui lâche « JLM » pendant que la planète se meurt et que les fascistes sont à nos portes, ça ne peut plus durer !

Clémentine Autain réclame « l’autocritique »

Clémentine Autain a beau jeu de réclamer une autocritique. Ce qu’elle veut surtout, c’est voir sa ligne politique peser davantage dans le mouvement. En creux, elle critique donc essentiellement son actuel dirigeant.

Le collectif reproche à Mélenchon d’avoir abandonné la forte espérance qu’il avait pu susciter au profit du « clash permanent ». Quel gâchis, alors que Mélenchon était arrivé 4e avec 19% des voix en 2017. Reconnaissons que le leader de 67 ans s’est surpassé dernièrement, notamment lors de perquisitions judiciaires à son domicile ou dans les locaux du parti. Il avait alors affiché une rare morgue voire de l’agressivité face aux enquêteurs et policiers. Son attitude vis-à-vis de la presse a aussi souvent troublé plus d’un de ses soutiens. Il faut dire que toute une partie de la bonne presse le taxe désormais de « populisme » tous les quatre matins, ce qui, à gauche, n’est vraiment pas bien vu.

La haine pour moteur

« C’est d’une vision plus encore que d’une juxtaposition de colères et de propositions dont notre pays a aujourd’hui besoin. Loin du ressentiment et de la haine pour moteur, nous devons faire vivre un horizon commun de progrès pour l’humanité » affirme le collectif. La haine pour moteur ? Message transmis à l’actuelle équipe dirigeante de LFI ! Sur son blog, Mélenchon se pose en victime : « Je ne suis choqué ni meurtri d’aucune expression critique. […] Après ce que je viens de vivre depuis un an, je ne serais pas raisonnable d’attendre de l’élégance dans la vie politique. »

Interrogée par le magazine Regards, Clémentine Autain a précisé ses critiques. Il n’est pas question pour elle de créer un nouveau parti, rassurons-nous. Elle ne voit rien non plus à reprocher à Manon Aubry. Il y aurait pourtant à dire sur les positions hésitantes de la candidate quant à la volonté de LFI de sortir ou non de l’UE, ce qui assurément perturbe plus d’un électeur de gauche au moment de glisser son bulletin dans l’urne aux européennes.

Non, Autain aimerait simplement que Mélenchon ne soit plus fermé aux joyeuses discussions démocratiques, pour pouvoir de nouveau espérer et… qui sait ? Peut-être continuer un bout de chemin ensemble. Déplorant que la France Insoumise pèche par manque de « délibération collective », elle se justifie : « On me reproche d’avoir parlé, mais je n’ai pas critiqué au moment de la campagne électorale par loyauté, c’est bien normal. Mais si on ne peut pas [non plus] critiquer et émettre un avis après la campagne… »

Reconnaissant qu’on lui reproche effectivement de faire ses critiques à l’extérieur du mouvement, ce qui fait les choux gras des médias, elle prétend qu’elle n’aurait pas d’autre choix. LFI ne proposerait pas de cadre où échanger et discuter après la défaite. « Où est ce cadre [démocratique NDLR] ? On nous avait promis une restructuration de ce qu’on appelle l’espace politique, mais cela n’a pas eu lieu. » Elle enfonce le clou : « On a besoin de renouveler et d’inventer des formes démocratiques pour que le mouvement puisse vivre et trancher. »

« Je me repose »

De son côté, Mélenchon prévient : « Que l’on ne se méprenne pas sur mon silence […] je me repose. » Imaginant que des plumitifs malveillants allaient se précipiter pour dire du mal de lui (où va-t-il donc imaginer ça ?), le chef des Insoumis écrit aussi qu’il ne « déprime pas » et qu’il « ne part pas à la retraite.  » Nous voilà rassurés ! « Je suis au combat et j’y resterai jusqu’à mon dernier souffle, si je le peux. »

Mélenchon doit sortir de son silence à partir du 6 juin… Que compte-t-il dire ? Et comment manœuvrera-t-il pour faire taire celle qui est encore députée LFI ? Certaines hautes figures du mouvement, déjà, ne se gênent pas pour persifler sur le compte d’Autain et de son inélégante démarche, tels Coquerel, Garrido, Corbière ou Obono, comme le rapportait hier Le Figaro. Rien n’est donc perdu.



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