Faire bouger les lignes, c’est pas si facile. Ce n’est pas Jean-Pierre Chevènement, qui vous dira le contraire. Dimanche dernier, dans une interview au JDD, il annonçait la présence au colloque « Europe et souveraineté » qu’il organise le 26 septembre, de Jean-Luc Mélenchon, Arnaud Montebourg et Nicolas Dupont-Aignan.
Autres invités vedettes, Régis Debray et Michel Onfray, ainsi que le juriste Alain Supiot, professeur au Collège de France. Parmi ces six estimables personnalités, une vient de faire défection. Saurez-vous deviner laquelle ? Eh oui, vous avez gagné, c’est Jean-Luc Mélenchon !
Après avoir dans un premier temps assuré Jean-Pierre de sa présence, Jean-Luc a finalement fait marche arrière toute, ou plutôt, à gauche toute. Il n’a pas du tout apprécié que dans cette même interview au JDD, JPC ait déclaré que la France ne pourra pas « sortir de l’ornière » si « on ne rassemble pas les républicains des deux rives ».
Comme il l’explique dans une longue lettre ouverte, Mélenchon réprouve des alliances qu’il considère comme contre-nature et réitère son « refus complet d’être associé de quelque façon que ce soit à l’idée lourdement erronée à mes yeux de l’alliance des républicains des deux rives ».
En clair, il ne veut pas être pris en photo sur la même tribune que Nicolas Dupont-Aignan, qu’il accuse de mille misères dans la même bafouille : « Sais-tu qu’il s’est prononcé pour remettre en cause le droit du sol ? Devra-t-on discuter de sa proposition de choisir Marine Le Pen comme Premier ministre s’il était élu Président de la République ? Si respectable qu’il soit et si estimable que soit sa résistance aux pressions de son camp, il est à mes yeux bien ancré sur une rive où je ne veux pas aller. »
Alors, bien sûr, on pourra dauber sur le sectarisme avéré de JLM. On pourra aussi estimer que le leader du Parti de Gauche a finalement jugé que le temps n’était pas venu pour faire bouger les lignes.
À mon humble avis, c’est la deuxième hypothèse qui est la bonne. Après avoir pensé dans un premier temps qu’en démocratie, tout le monde avait le droit de confronter ses idées –ce qui est après tout la raison d’être d’un colloque- Méluche a finalement jugé qu’un selfie avec NDA le grillerait à gauche de la gauche. Et de son point de vue, il a raison : l’accusation de pactiser avec « la droite de la droite » pourrait être fatale aux ambitions mélenchoniennes pour la présidentielle.
À mes yeux, ce n’est donc pas tant la pensée Mélenchon qui est en cause, mais l’arthrose idéologique qui cloue la gauche de gauche dans son fauteuil à œillères.
En Grèce, il y a six mois, Tsipras n’a pas hésité une seconde avant de constituer un gouvernement d’alliance avec des souverainistes de droite, antilaïcs graves de surcroît. En France, les correspondants des uns et des autres n’ont pas le droit de papoter dans un colloque sans risquer la crucifixion en « une » des Inrocks, de Libé ou de L’Huma…
À mon avis, dans cette affaire, Mélenchon, patriote authentique, est moins coupable que victime. Opinion subjective, certes. Mais on ne m’empêchera pas de penser qu’un type aussi germanophobe ne peut pas être foncièrement mauvais.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00555414_000022.
P.S : Jean-Pierre Chevènement vient de répondre au niet de Mélenchon dans une lettre ouverte publiée sur son blog.
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