Cher Jean-Luc Mélenchon,
Il ne me viendrait jamais à l’idée de vous accuser d’être antisémite. Parce que ce serait une calomnie infecte, point barre. N’empêche, est-il bien raisonnable d’écrire, comme vous l’avez fait ce lundi 12 décembre sur votre page officielle Facebook à propos de l’affaire Autain-Ramadan : « que les Dray, Haziza et autres mercenaires de ce pelage sortent du bois pour montrer les crocs est bien révélateur de la décadence communautariste du PS » ?
Ces propos m’ont choqué, cher Jean-Luc. Je pense qu’ils ont été écrits sous le coup de la fatigue et de la colère. Je crois qu’ils ont inutilement peiné Julien Dray, dont le seul tort est d’avoir suggéré qu’il y avait peut-être eu un « effet Autain », et qu’il avait probablement contribué à la défaite de la gauche unie à Paris. Il a aussi souligné que Clémentine Autain n’avait pas fait grand chose pour répondre au bad buzz gigantesque qui a suivi mon article de Causeur sur le meeting de Saint-Denis et l’article d’Eugénie Bastié dans Le Figaro qui l’a si efficacement relayé.
Quoique maladroite à mes yeux -je n’étais pas favorable à l’interdiction préalable de ce meeting- la pétition lancée par la militante socialiste Céline Pina a aussi contribué au réflexe de révolte, de « Trop c’est trop ! », chez nombre d’électeurs. Des électeurs juifs ? Sans doute, et ça se comprend ! Mais aussi des féministes, des gays, des lesbiennes, des laïcs modérés, des antiracistes, des bouffeurs de curés, de rabbins et d’imams, des amateurs de sexe, de drogue et de rock’n’ roll, des démocrates de toutes obédiences –y compris des militants antisionistes (et même certains BDS !) qui refusent toute collusion avec le wahhabisme.
Croyez-vous sincèrement que tous ces gens qui ont buzzé grave contre les mauvaises fréquentations du parti de Clémentine Autain soient « des mercenaires », c’est-à-dire des gens sans convictions qui ne se battent que pour qui les paye ? Hum, Hum. Jean-Luc, vous n’êtes pas antisémite, mais, parfois vous devriez vous relire avant d’écrire. Et maintenant que vous vous êtes relu, vous devriez biffer, a minima, le mot « mercenaire ». Imaginez-vous le pataquès légitime qui serait advenu si votre phrase avait été écrite par un dirigeant du FN ?
Soyons sérieux deux secondes, cher Jean-Luc, si quelqu’un a fauté dans cette affaire, c’est Clémentine Autain. Dès qu’elle a pris connaissance du soutien apporté par le site de son parti, « Ensemble ! » (car c’est bien de cela qu’il s’agit, l’appel au meeting était affiché en pleine page, sans la moindre prise de distance, pas d’hypocrisie, s’il vous plait), Clémentine Autain aurait pu demander à ses camarades administrateurs du site de virer la page en question ou a minima de faire préciser, même en petits caractères, qu’Ensemble ! ne soutenait pas ce meeting.
Elle n’a rien fait de tout cela. Et vous savez très bien, cher Jean-Luc, pourquoi elle ne l’a pas fait : le moindre geste en ce sens aurait provoqué l’explosion immédiate d’Ensemble!, où le ralliement express de Clémentine Autain à Claude Bartolone avait déjà porté les dissensions internes à leur maximum. Qui sème la confusion récolte le bad buzz. Clémentine Autain l’a cherché, elle l’a trouvé.
Une dernière précision, cher Jean-Luc, à propos du lamentable meeting de Saint-Denis, en présence, rappelons-le, de celui que vous appelez vous-même, et je vous en sais gré, « l’inacceptable Tariq Ramadan ». Vous affirmez dans ce même texte en défense de Clémentine Autain: « Aucun parti, mouvement, ou personnalité du Front de Gauche n’y est concerné ni impliqué ». Jean-Luc, vous êtes mal informé, on vous cache des choses et ce n’est pas gentil. Il y a en tout cinq députés du Front de Gauche au Parlement européen. Vous êtes l’un deux, j’imagine que vous vous connaissez tous. Parmi ces cinq élus Front de Gauche, on trouve Marie-Christine Vergiat, élue européenne au titre de la circonscription Sud-Est.
Allez donc, je vous en prie, faire un tour sur la page Facebook de votre camarade. Vous la trouverez, en photo, dans un de ces posts en date du 12 décembre tout sourire, au milieu des participants du meeting. Impudence, imprudence, c’est à vous de nous le dire. À vous de nous dire aussi ce que vous pensez du commentaire de Marie-Christine Vergiat sur la soirée: « Une salle bourrée de jeunes représentant la France que j’aime » ? Toujours sur la même page Facebook, mais cette fois en date du 14 décembre, vous trouverez une série des réponses, assez virulentes, faites par Marie-Christine Vergiat à une multitude d’internautes de gauche qui, comme vous, jugent les positions de Tariq Ramadan inacceptables. Voilà par exemple ce qu’elle répond à un interlocuteur qui critique la condition de la femme dans l’islam : « Quant à l’obéissance de la femme à l’homme, es-tu sûr que nous avons des leçons à donner quand on sait que chez nous, tous les 3 jours une femme meurt sous les coups de son conjoint… » Relativisme, quand tu nous tiens…
Voilà, cher Jean-Luc, maintenant vous savez. J’imagine qu’après m’avoir lu vous modifierez de vous-même la phrase de votre texte où vous affirmez qu’aucune personnalité du Front de Gauche n’est impliquée dans le meeting de Saint-Denis.
J’attends avec impatience que toutes les composantes du Front de Gauche ramènent mesdames Vergiat et Autain à la raison ou, à défaut, qu’on les rappelle à l’ordre.
Cordialement.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00726157_000005.
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