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2017: pour un duel Sarkozy/Mélenchon


2017: pour un duel Sarkozy/Mélenchon
Affiches électorales de l'élection présidentielle, avril 2012. SIPA. 00635263_000002
Affiches électorales de l'élection présidentielle, avril 2012. SIPA. 00635263_000002

La victoire de Donald Trump était prévisible mais ne fut pas prévue.  Il y a matière à réfléchir sur ce que raconte ce succès, qui est d’abord évidemment la défaite du parti démocrate et de sa candidate. Comment un histrion retors, malgré des handicaps de personnalité criants, malgré une campagne à son encontre ahurissante de violence a-t-il pu d’abord mettre à genoux le parti républicain pour ensuite défaire Hillary Clinton assez tranquillement ?

Ce rejet dresse une physionomie de l’Amérique où, comme dans à peu près tous les pays occidentaux les victimes de la globalisation néolibérale se cabrent et mettent en cause ouvertement le modèle qu’on leur a imposé depuis le début des années 80. Et les couches moyennes supérieures affolées, profiteuses du système, ne veulent pas entendre parler des masses de laissés-pour-compte, et voient revenir avec terreur le vote de classe. Et en France ? Confrontés à leur misère matérielle, à la détresse morale, au déclassement et à la perte de leur horizon, les couches populaires ne supportent plus non plus les cours de morale de ceux qui accrochés à leurs privilèges leur assènent jour après jour. Alors ils décrochent ou font le pari du FN. La nudité de l’empereur désormais irréfutable, crée ainsi une situation politiquement dangereuse. Les notions françaises classiques de droite et de gauches ne sont plus effectives. Condamnés par l’Union Européenne à l’austérité perpétuelle, les exclus de la globalisation néolibérale, majoritaires en France trahis par le parti socialiste et abandonnés par ce qui reste du Parti Communiste, subissent un véritable rouleau compresseur culturel. Toujours systématiquement aligné sur les souhaits du Capital qui ne veut plus de frontières, des sociétés divisées, communautarisées, ethnicisées, au sein de laquelle on peut puiser la main-d’œuvre bon marché pour assurer les activités de services utiles aux couches moyennes terranovistes qui soutiennent bec et ongles ce système.

Le Front national qui n’est au départ qu’une petite épicerie familiale bien verrouillée, ne peut pas devenir un parti de masse, candidat crédible à l’exercice du pouvoir. Il n’en a ni les moyens militants, ni les moyens techniques. Gouverner un État comme la France nécessite, au-delà des hommes, une adhésion voire  une identification populaire absentes en l’état. Comme l’ont démontré les spécialistes de la carte électorale, le vote Front national est d’abord un mouvement d’humeur, l’envie du coup de pied dans la fourmilière, et aussi un pari : celui de vouloir l’essayer, tous les autres ayant échoué. C’est un crève-cœur de voir, ces ouvriers et ses salariés d’exécution des services, se tourner vers un parti qui plonge ses racines dans l’extrême-droite de l’après-guerre et les débuts de la Ve République.

L’enjeu le plus fort de l’élection présidentielle est la déconstruction du FN

L’arrivée au pouvoir du Front national en 2017 n’est pourtant pas une hypothèse farfelue. Les résultats électoraux britannique, autrichien, américain peuvent nous le faire craindre. Et le danger ne serait pas celui de l’instauration d’un régime fasciste en France, soyons sérieux, mais l’incapacité à répondre aux espoirs et aux attentes, la faillite de ce plan B, démontrerait que le pari est perdu. Et une défaite qui porterait au deuxième tour Marine Le Pen au-delà des 40 % d’électeurs, imposerait le Front National en seule force d’opposition, qui n’aurait alors qu’à attendre le coup suivant. La porte ouverte à toutes les aventures.

C’est la raison pour laquelle l’enjeu le plus fort de l’élection présidentielle est bien celui de la déconstruction du Front national.

Il n’y a aucune raison de ne pas essayer de reconquérir ces couches-là, qui, sans cela, vont avancer vers la jacquerie. Une partie doit réintégrer la droite populaire, celle sur laquelle le vrai gaullisme s’est toujours appuyé. L’autre retourner dans sa famille naturelle. Ces ouvriers et ces employés qui considèrent que la France a commencé à la Révolution, et qui ont le souvenir transmis du Front Populaire, de la Résistance et de qui étaient Jean Jaurès et Georges Marchais.

Mais qui pourrait se livrer à ce dépeçage et à quelles conditions ?

N’ayant jamais voté pour Nicolas Sarkozy aux élections régulières et n’étant pas près de le faire, il est exclu que je me déplace à la primaire de droite ne serait-ce que pour des raisons morales. Mais je m’adresse aux membres de cette famille politique en leur disant de le choisir. Car en l’absence de toute autre perspective ce choix serait seul susceptible d’empêcher le succès électoral ou politique du Front National. À l’évidence une candidature d’Alain Juppé, candidat adoubé par des élites honnies ferait exploser l’UMP et passer des gros bataillons d’électeurs au FN. François Fillon quant à lui, a démontré en quittant la Sarthe et en refusant de venir à Paris, son aversion pour les campagnes électorales où il fallait se battre, et partant son absence de colonne vertébrale. Chacun connaît les qualités de Nicolas Sarkozy, qui a en plus parfaitement compris quelles étaient les attentes de l’électorat populaire sur les questions de l’autorité de l’État, de la sécurité, de la légitimité, de l’insécurité culturelle, du patriotisme. Comme Donald Trump, il fait l’objet d’une haine farouche du « mainstream » terrorisé à l’idée de son retour aux affaires. C’est aujourd’hui clairement un avantage, parce que si les gens d’en haut comme l’a constaté Christophe Guilluy détestent les « gens du peuple », les petits blancs, ceux-ci le leur rendent bien. Il est nécessaire de casser les reins à cette oligarchie largement dévoyée. Entre les lignes Nicolas Sarkozy s’est engagé à le faire. Mais si l’on connaît les qualités, on connaît aussi les défauts, ceux qui ont entraîné la « trahison » de l’après 2007. Les gens voulaient le Karcher, ils ont eu le Kouchner.

Alors amis de droite, pouvez-vous faire le pari encore cette fois-ci ? Il a vécu entre-temps l’invraisemblable acharnement judiciaire et médiatique dont il a été l’objet pendant ces cinq ans. L’instrumentalisation sans vergogne de la justice et la mise en place par le service public radiotélévisé en tête, de campagnes de calomnies et de diffamation, ne l’ont pas épargné. Justice, médias adversaires politiques et amis, tout le monde s’est essuyé les pieds sur lui. On peut espérer, que comme chacun d’entre nous, et quoiqu’il en dise, il est capable de rancunes solides et souhaite régler ses comptes avec ceux qui l’ont ainsi traité. Si Nicolas Sarkozy est réélu Président de la République, il n’aura d’ailleurs pas le choix, coincé qu’il serait entre ces privilégiés qui le haïssent et un peuple en rage d’être une nouvelle fois trahi.

C’est un pari me direz-vous ? Il est beaucoup moins risqué que celui de Marine Le Pen.

Toutes les élections présidentielles ont donné lieu à des renversements et des surprises

Et surtout en face, pour entreprendre la déconstruction du FN et récupérer symétriquement les couches populaires culturellement de gauche, Jean-Luc Mélenchon a adopté une démarche politique intelligente et dans une certaine mesure gaullienne. Refusant les négociations d’appareils, les compromis boiteux et la facilité, il semble avoir décidé de saisir l’opportunité de cette campagne présidentielle pour atteindre plusieurs objectifs. Tout d’abord achever la destruction politique de ce Parti « Socialiste » qui vient de faire pendant ces cinq ans la démonstration qu’il était totalement au service du capitalisme financier et du néolibéralisme. Ensuite renvoyer à leur inanité politique les groupuscules gauchistes, idiots utiles du Capital. Quant au Parti Communiste, qui voit la mort dans l’âme disparaître le peu qui lui restait, et se profiler un horizon où il n’y aura plus postes et fauteuils, il va devoir se résigner. C’est dur camarades, je sais, mais un parti ouvrier où il n’y a plus d’ouvriers pour diriger, militer et voter, où les débats sont groupusculaires, qui hésite entre présenter Ian Brossat (au secours !) et soutenir Arnaud Montebourg, ne sert vraiment plus à grand-chose.

Jean-Luc Mélenchon veut ensuite, profitant de l’échéance électorale,  restructurer la gauche française, celle dont notre pays a besoin. Héritière du courant qui existe chez nous depuis la Révolution, qui s’est lié au XIXe siècle à la classe ouvrière et qui doit aujourd’hui reprendre au FN ces couches populaires égarées. Oui égarées, car historiquement et culturellement elles appartiennent à cette famille qu’abandonnées, elles ont été obligées de quitter. On me dira que Jean-Luc Mélenchon a tracé sa route tout seul, de façon autoritaire verticalement et sans débat. Et alors ?

Sans lui, nous aurons la droite néolibérale des Juppé, héritier de François Hollande, accompagné des enthousiasmants Raffarin, Bayrou, Macron, Valls, Attali, Minc, BHL, Gattaz et Cambadélis. Et le FN comme seule force d’opposition attendant son heure qui ne manquera pas de venir.

Alors, amis, camarades et compagnons espérons l’impossible, un deuxième tour Sarkozy/Mélenchon. Rappelons-nous que toutes les élections présidentielles ont donné lieu à des renversements et des surprises pendant la campagne. Et celle-là on la jouera à la régulière.

J’entends déjà les jérémiades des gens de droite, « oui mais Sarkozy, il est ceci, il est cela, parvenu et insupportable, il n’est pas vraiment gaulliste, il nous a déjà déçu, etc. ». Je répondrais simplement que pour ma part, je soutiens sans barguigner Jean-Luc Mélenchon : « Ancien dirigeant socialiste, frère la grattouille, écolo obscurantiste qui fait des mamours à Mamère et surtout, ancien trotskiste lambertiste ! » Alors qu’est-ce que je devrais dire ! Mais en ces temps difficiles, chacun doit savoir faire des sacrifices.



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