Mers chers concitoyennes, mes chers concitoyens,
Ce n’est pas sans une certaine émotion que je vous présente pour la première fois mes vœux et ceux de tout mon gouvernement d’Union Populaire. Je suis conscient que nous sortons d’une année éprouvante mais glorieuse. Etre obligé de vous souhaiter la bonne année depuis cette salle de la Mutualité et non depuis l’Elysée, encore en réparation après les derniers combats de juin où l’ancien président et sa bande de gardes du corps fanatisés préférèrent se faire sauter avec Eric Besson et Brice Hortefeux plutôt que de se rendre aux troupes de la Commune de Paris nous rappelle de bien sinistres heures.
Dès janvier 2010, en effet, alors que les tensions ethniques s’aggravaient à cause de cet ignoble débat sur l’identité nationale, nous avons senti le vent mauvais qui soufflait sur le pays.
Il y eut, fin janvier, les terribles ratonnades de Saint-Denis et de Marseille, qui firent plusieurs centaines de morts. Elles allèrent de pair avec une multitude d’attentats attribués aux islamistes et à des groupes gauchistes et dont il a été prouvé depuis qu’ils étaient soit suscités, soit pratiquement commandités par les services de l’antiterrorisme. Ils avaient déjà fait un coup d’essai, rappelez-vous, ces sinistres flics, en 2008 avec les jeunes anarcho-autonomes de Tarnac.
Là aussi ce furent des centaines de morts, notamment au marché de Wazemmes de Lille et aux puces de Saint-Ouen en février. Mais il y eut aussi, comme par hasard une semaine avant les élections régionales, l’attentat de Sablé sur Sarthe qui devait coûter la vie au Premier ministre et à l’ensemble de son cabinet.
Quels auraient été les résultats de ces élections ? Nul ne le saura. Les sondages trafiqués donnaient les habituels partis de gouvernement au coude à coude alors que ceux, plus sérieux, faits par l’Intérieur et qui demeuraient secrets donnaient les listes du Front de Gauche en tête dans dix-neuf régions, suivies hélas par un Front National regonflé par le climat de guerre civile qui gagnait partout.
Est-ce pour cela que mon prédécesseur, arguant de la violence dans le pays, suspendit le processus électoral, fit jouer l’article 16 qui lui donnait les pleins pouvoirs, nomma Besson à la tête d’un gouvernement resserré et suspendit les libertés publiques ? La suite est connue et les faits sont têtus. Ce fut une indignation complète. Malgré l’interdiction des journaux, les informations continuaient à circuler sur Internet. Les députés socialistes et Europe écologie ayant fui à Bruxelles auprès du Parlement européen, l’opposition s’organisa autour Front de Gauche et plus particulièrement autour du Parti Communiste qui renouait à nouveau avec ses vieux réflexes de la Résistance.
Assez vite, alors que la crise s’aggravait encore, que des émeutes de la faim sévissaient et que des supermarchés régulièrement pillés devenaient des forteresses, plusieurs grandes villes s’organisèrent en Commune. A Paris, Lyon, Lille, aidés par une partie de l’armée et des fonctionnaires de police et restés républicains, des zones entières du pays passèrent sous administration révolutionnaire. Unie sans distinction de couleur ni de religion, la jeunesse recréa des réseaux de solidarité qui assurèrent nourriture et soins en remplacement de services publics dévastés.
En juillet et en août, le pouvoir ancien bascula et ce furent les élections de la Constituante en septembre qui m’amenèrent à la lourde responsabilité qui est la mienne aujourd’hui.
Et pourtant, mes chers concitoyens, en cent jours à peine de gouvernement d’Union Populaire, que de choses accomplies !
En politique étrangère, d’abord, ou en sortant de l’Union européenne ultralibérale, nous avons développé un partenariat privilégié avec le Venezuela, la Colombie, l’Equateur et Cuba. Echangeant notre savoir-faire et nos technologies de pointes contre des matières premières à bas prix, nous avons pu assurer notre indépendance énergétique, relancer notre industrie et réduire le chômage, qui est actuellement, d’après les derniers chiffres qui m’ont été communiqués de moins de 250 000 personnes. Pendant que nous construisons des TGV chez notre camarade Chavez ou que nous fournissons nos ingénieurs des grandes écoles à Evo Morales, le pétrole et le gaz coulent à flot ici.
Un nouveau socialisme transatlantique se construit dans la fraternité et je peux déjà vous annoncer un projet d’Union des Républiques Socialistes et Bolivariennes qui comprendraient outre nos amis d’Amérique Latine, la France mais aussi notre petite sœur wallonne qui a suivi notre exemple et s’est détachée de la Belgique pour former la République de Liège. Notre premier projet industriel commun est, dans les dix ans, l’envoi d’un vol habité et l’établissement d’une colonie sur la Lune qui portera le nom de Louise Michel.
Cette relance de l’activité qui fait de nous un îlot de prospérité dans une Europe dévastée par la crise et les guerres ethniques nous a permis, sur le plan intérieur, d’assurer un salaire minimum de 2 500 euros tandis que nous plafonnions les plus hauts revenus à 10 000 euros, fidèle en cela à notre slogan de la campagne de septembre : « Au dessus de 10 000 euros, je prends tout » qui ne sera pas sans rappeler à certains de nos anciens un slogan célèbre de Georges Marchais.
La semaine de trente heures, les neuf semaines de congés payés et la retraite à cinquante ans viennent d’être votés par la constituante et entreront en vigueur le 15 janvier. Je frémis quand je pense que sans notre révolution, sans notre nouvelle Commune, nous serions à quelques mois d’une réélection probable du président Sarkozy qui a bien failli nous entraîner dans le chaos. Bien sûr, il a fallu forcer quelques mains, bien sûr il a fallu arrêter et emprisonner les responsables du MEDEF et les patrons du CAC 40. Néanmoins, comme notre nouvelle société se veut anti autoritaire, ils seront bientôt libérés et pourront prendre, malgré leur passé de délinquants, à nouveau leur place parmi nous en occupant des emplois de réinsertion : aides aux personnes âgées ou alphabétisation des travailleurs étrangers.
À ce propos, il a bien sûr fallu régler le problème de l’immigration. Non pas celle des pays africains puisque nos régularisations massives ont permis un boom démographique qui permettra de pérenniser nos retraites. Mais celle de tous ces milliers de jeunes Anglais, Espagnols, Allemands et Italiens qui fuient la terreur capitaliste de leurs pauvres pays. Nous ne pouvions pas leur fermer la porte, nous ne pouvions pas construire un mur car les murs tombent toujours à la fin. Alors nous les avons accueillis, fraternellement, fidèle à la constitution de 1793 et à son magnifique article 120 : « Le peuple français donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. »
C’est donc, mes chers compatriotes, dans cette France ouverte et réellement socialiste, que l’on croyait il y a quelques mois encore impossible, que je vous souhaite une bonne et heureuse année.
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