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Sur l’Europe, Jordan Bardella et Marine Le Pen se partagent les rôles Porte de Versailles

Nos reporters dans les travées du dernier meeting du RN


Sur l’Europe, Jordan Bardella et Marine Le Pen se partagent les rôles Porte de Versailles
Paris, 2 juin 2024. Derrière Marine Le Pen et Jordan Bardella, le slogan "Si le peuple vote, le peuple gagne!" © Chang Martin/SIPA

Hier après-midi à Paris, le Rassemblement national réunissait 6000 personnes pour le dernier meeting de campagne des élections européennes, et transformait le Dôme de Paris en véritable discothèque. Pour maximiser le score de la liste RN, Marine Le Pen a appelé les plus anciens à battre l’Union européenne. De son côté, avec un discours plus identitaire, Jordan Bardella a appelé les jeunes à battre Macron.


C’était le dernier temps fort de la campagne. Au Palais des Sports, sous le Dôme, le Rassemblement National appelait tous ses militants pour un dernier grand meeting. Des cars de Haute-Marne, des Ardennes, de la Somme et d’un peu partout étaient venus pour écouter le tandem Jordan Bardella-Marine Le Pen. Rien, pas même le débat mitigé du président du parti face à Gabriel Attal, n’a freiné pour le moment l’élan des sondages. Le lieu de l’évènement, la porte de Versailles, dans ce sud-ouest de Paris historiquement cher à la droite, permettait aussi de tester la cote de Jordan Bardella auprès d’une sociologie bourgeoise historiquement insensible au vote RN.

Des militants pas toujours d’accord économiquement, mais qui réclament tous de l’ordre

Dans la foule, au milieu des t-shirts de groupe de métal, des vestes et des looks plus guindés se distinguent. Nous rencontrons Jean-Pierre Vaillant, responsable local du parti pour le Cap-Ferret (33). Encarté il y a six mois, peu après sa prise de retraite, aussitôt promu localement, il nous témoigne de son enthousiasme de nouveau converti : « Je suis stupéfait de voir comment les gens réagissent sur les marchés quand on leur montre la photo de Bardella ! Notamment les femmes. Les retours sont très positifs », insiste-t-il, parlant même de « Bardellamania ». Ancien président des branches françaises de Mitsubishi et de Fiat, il fait partie de ces nouveaux responsables du RN qui ont exercé des responsabilités dans l’administration ou le privé. Dans sa circonscription huppée, l’homme – qui auparavant votait UMP puis LR – voit taper à la porte de nombreux cadres d’entreprise et des résidents secondaires : « Toute ma vie, je me suis battu pour gagner, quand on est patron d’une marque d’auto, on se bat tous les jours. Alors à 72 ans, je ne vais pas terminer sur un échec ». Paraphrase gaullienne : « Comment voulez-vous à 72 ans, que j’entame une carrière de loser » ?

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Autre rencontre, Pierre, intermittent dans la culture, travaillant à la Philharmonie pour l’audiovisuel. Il nous explique avoir longtemps voté pour les écologistes avant de rallier le Rassemblement National. Il assiste à l’évolution de son milieu, d’ordinaire très acquis à la « gauche bobo » et qui lui aussi regarde avec un nouvel œil le parti lepéniste : « La réforme de l’assurance chômage inquiète de nombreux intermittents ». Si l’un a des aspirations d’entrepreneur libéral et si l’autre manifeste des inquiétudes sociales, ils se rejoignent sur un point : la demande d’autorité. Pour Pierre, « Ça suffit, on a besoin d’ordre ». Jean-Pierre Vaillant n’est pas en reste : « La situation sécuritaire et sociale a changé. C’est ce qui m’a déterminé à adhérer ».

Rien de bien nouveau dans les discours à la tribune

Et sinon, quelques jeunes venus de lointaine banlieue, frais bacheliers ou en première année d’études à qui nous demandons ce qui les amenés par un frileux dimanche de juin dans la capitale pour leur « premier meeting politique » : « On est nombreux à avoir vu les punchlines de Jordan Bardella sur les réseaux sociaux ». Le vu sur Tiktok remplace le vu à la TV. Des lycéens, des intermittents, des notables de stations balnéaires… un nouveau public dans la masse militante pour un show fidèle à la ligne du Rassemblement National : pas de prise de risques à une semaine du scrutin. La base vient essentiellement de province ou de lointaine banlieue : quoique situé porte de Versailles, ce meeting ne ressemble pas aux grands shows du Trocadéro lorsqu’un public très Ralph Lauren et pantalon rouge était venu en masse applaudir François Fillon et Éric Zemmour. « On commence à toucher un public plus BCBG mais qui se déplace davantage dans des réunions restreintes et des conférences. Le meeting, ce n’est pas leur culture » nuance toutefois un responsable du Pas-de-Calais, venu avec ses troupes.

Le public est accueilli par de la musique techno et par I will survive, puis abandonné au son de 1987 de Calogero (1987… il faudrait vraiment être un esprit tordu pour aller chercher un évènement fâcheux, cette année-là, dans l’histoire tumultueuse du Front National). Ici, on n’est pas à Reconquête, où La création d’Adam de Michel Ange était projetée le 10 mars dans la même salle, lors du meeting de Marion Maréchal. D’un côté, la pinacothéque pour les zemmouriens, de l’autre la discothèque pour les militants RN ! Mais si les tribuns du jour ont appelé à sanctionner la majorité présidentielle, il n’a pas été question des listes concurrentes du RN, lesquelles n’ont pas même été citées. Jordan Bardella n’a d’ailleurs évoqué qu’une fois « Marine », et aucun de ses autres colistiers.

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Dans les discours, le thème européen pourrait permettre d’identifier quelques différences d’approche, même tenues, entre Le Pen et Bardella. À la tribune, Marine Le Pen sécurisait son image de working class heroe séguiniste parlant protectionnisme et réindustrialisation, rappelant aussi la victoire du non en 2005 : « Le peuple français a dit non à une constitution européenne, non à un État européen, non à un président européen ». Elle fait au passage siffler la présence du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe, puis assène : « Plus de pouvoir aux nations et moins à l’Union européenne. Un seul souverain: le peuple ! » De son côté, Jordan Bardella paraissait plus affranchi des combats de Maastricht et de 2005. Sa génération ne les a pas connus, et semble plus sensible aux questions identitaires. Brocardant l’islamisme, citant Paul Valéry et les fameuses civilisations qui désormais se savent mortelles, la tête de liste a pris le parti de la défense du vieux continent : « Notre civilisation peut mourir si nous ne reprenons pas le contrôle de notre politique migratoire ».

Il y avait donc bien un discours pour ceux qui ont fait la campagne de 1992, et ceux qui n’étaient alors pas encore nés… Monsieur Bardella est né en 1995. Dans le clip de campagne, apparaissaient la Segrada familia et quelques monuments européens. Une manière de signifier que l’espace du vieux continent et ses symboles ont intégré l’imaginaire frontiste comme celui des classes populaires qui ont pu ces vingt dernières années les visiter grâce à la démocratisation du voyage en avion. D’ailleurs, la perspective d’un Frexit imminent n’est plus à l’ordre du jour…



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