Do you Laïk Médine ?
Juste après les tueries islamistes de Paris, le rappeur Médine publiait sur sa page Facebook un très long texte qui commençait ainsi : « Suite à l’extrême violence qui s’est abattue aujourd’hui à Paris, je tiens à témoigner tout mon soutien aux familles des victimes. Je condamne évidemment profondément ce type d’actes et ce depuis 10 ans à travers ma démarche artistique. Je me bats précisément contre cette dérive extrême qui montre son visage aujourd’hui et que je dénonce dans mes morceaux depuis 2004. Je vous encourage à faire de même quelques (sic) soient vos appartenances au nom du caractère sacré de la vie humaine.
Par ailleurs, si la satire est omniprésente dans mes albums et notamment dans mes derniers morceaux, à l’encontre des différentes formes d’extrémisme (religieux, politique et philosophique), ça n’est que pour rendre le débat serein et équilibré. »
Ça continue tout pareil sur des lignes et des lignes et des lignes, mais comme vous avez l’habitude de lire dans Causeur une prose un rien mieux tenue, j’arrête ici la citation. D’autant plus que ce court quoique trop long extrait aura probablement suffi à vous restituer le léger malaise qui étreint l’auteur de cette tentative filandreuse d’autojustification.
Pourtant, Médine, dont tous les amateurs de rap connaissent la hargne et la pugnacité, n’est pas du genre repentant. Qu’a-t-il alors à se reprocher, ou plutôt, comme il l’affirme, à ne pas se reprocher, lui qui ne pense qu’à « rendre le débat serein et équilibré » ? Eh bien voilà. Figurez-vous qu’après la tuerie de Charlie, quelques malveillants ont fait tourner sur les réseaux sociaux les paroles de son dernier tube, intitulé « Don’t Laïk », lequel, vous l’aurez deviné, était une contribution du rappeur au grand débat national sur la laïcité.
On peut y lire ce genre de joliesses :
« J’suis une djellaba à la journée de la jupe
Islamo-caillera, c’est ma prière de rue »
Ou bien :
« Marianne est une femen tatouée “Fuck God” sur les mamelles
Où était-elle dans l’affaire d’la crèche ?
Séquestrée chez Madame Fourest »
Ou encore :
« Les élites sont les prosélytes des propagandistes ultra laïcs
Je me suffis d’Allah, pas besoin qu’on me laïcise ».[access capability= »lire_inedits »]
On peut aimer, ou pas, mais ce n’est pas pour ces vers fort verts qu’on a cherché des crosses au pauvre Médine sur les réseaux. Ce n’est pas non plus pour le refrain de son rap, aux lyrics furieusement explicites :
« Ta barbe, rebeu, dans ce pays c’est Don’t Laïk
Ton voile, ma sœur, dans ce pays c’est Don’t Laïk »
Non, non, si après l’attentat contre Charlie Hebdo certains mélomanes s’en sont pris à Médine, c’est à cause d’un vers, et d’un seul. Faut dire qu’il était clair de chez clair : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha ! »
Vous comprenez mieux maintenant le laïus emberlificoté cité au début de l’article ?
Si vous croyez que je caricature et voulez en savoir plus sur la pensée exacte de Médine, rien ne vous empêche de vous documenter à la source. Il a publié en 2012 chez Desclée de Brouwer un copieux ouvrage, Don’t panik, coécrit avec son ami Pascal Boniface. La préface est bien sûr d’Esther Benbassa.
Mosquée de Paris : un islam modérément modéré
Samedi 17 janvier, deux journalistes du Monde, Anna Villechenon et Ariane Chemin se sont rendues à la Grande Mosquée de Paris. Non pas pour interviewer le recteur Dalil Boubakeur mais plutôt, passez-moi l’expression, pour faire un tour dans les cuisines. Nos consœurs ont en effet assisté à un cours dispensé par l’institut de théologie de la Grande Mosquée qui forme les futurs imams et aumôniers, des hommes et des femmes qui auront donc pour tâche de guider leurs ouailles en ces temps troublés. S’y joue l’avenir de l’islam français, ou du moins de sa branche qu’on considère habituellement comme la plus modérée.
Au lendemain et au surlendemain des attentats, ces cours étaient suspendus. À la reprise des enseignements, l’aumônier pénitentiaire Missoum Chaoui, qui officie en tant que formateur, a modifié le programme prévu pour inviter ses dix-sept élèves à engager une discussion libre, pour qu’ils puissent, dit-il, « vider leur sac ».
Dès le début de ce grand déballage, les propos de ces apprentis-imams ont de quoi inquiéter : « les terroristes [n’étant] pas des leurs », les musulmans n’ont pas « à s’excuser de ces crimes ». Et les futurs clercs ne s’arrêtent pas en si bon chemin : « La communauté musulmane, elle pleure les hommes mais pas la liberté d’expression », estiment-ils tous en chœur. On n’aperçoit pas l’ombre d’un doute, pas le moindre questionnement sur les racines islamiques du terrorisme.
La suite est encore plus grave. Petit à petit, la petite classe déploie l’argumentaire de la contre-attaque, en commençant par le fameux « deux poids, deux mesures » que subiraient les musulmans de France. Ainsi, dans notre pays, « l’antisémitisme est interdit mais pas l’islamophobie », fait valoir un élève.
Les deux journalistes n’entendent aucune objection à cette remarque ahurissante qui prépare le bouquet final. « Au premier rang de la petite salle de l’institut de théologie, racontent Anna Villechenon et Ariane Chemin, un vieil homme à bonnet blanc ronge son frein. Il ne croit pas à la version des médias. “Le scénario, il est préparé d’avance par d’autres”, lâchetil, péremptoire, en français et en arabe. “C’est pas ce qu’on a dit, on n’a pas vu leurs visages, c’est la preuve à cent pour cent”. “Ils sont à l’Institut médicolégal”, répond le formateur essayant d’instiller un peu de raison dans la discussion. Peine perdue. Un disciple prend le relais : “Ce journal était au bord de la faillite, maintenant ils ont beaucoup d’argent”… »
Est-ce là la pensée du « vrai islam » sur lequel mise la République pour combattre « l’islam dévoyé » des Kouachi et Coulibaly ? Si oui, alors l’islam modéré est à consommer avec modération…
Gil Mihaely
Kippa de panique !
Un jour, une amie qui me voyait manger en permanence de petits concombres aigre-doux casher m’a demandé si j’étais juif, je lui répondis : « Non, merci, j’ai déjà suffisamment de problèmes comme ça ! » Il faut dire que ce n’est pas si simple d’être juif, il faut encaisser l’affection déchaînée d’une partie de la population victime d’apartheid, il faut pratiquer une religion exigeante, il faut savoir se distinguer par un immense humour, à la hauteur d’une redoutable mélancolie – et en plus, comme disait Gainsbourg, « Juif, c’est pas une religion ! Aucune religion ne fait pousser un nez comme ça ! » À ces contraintes peut s’ajouter le port de la kippa, sorte de calotte portée par les pratiquants.
On apprend qu’un coiffeur israélien, Shalom Koresh, vient de mettre sur le marché un produit révolutionnaire, une kippa invisible, pouvant être portée en toute discrétion, une « kippa magique » (c’est le nom du produit…) composée de cheveux et se portant – ni vue ni connue – comme une perruque sur le sommet du crâne… Comme le dit la publicité (repérée par nos confrères de i24news) : « La kippa magique ne se remarque pas ! », elle est « simple et facile à porter ! » ; elle est destinée à « ceux qui veulent rester discrets en public », tels que « les hommes d’affaires, les fonctionnaires, les enfants ».
On pourrait être tenté de se moquer de cette kippa imperceptible – visant un public large – « Grand choix de couleurs de cheveux 100 % naturels ! » On pourrait être tenté de hurler, parce qu’on n’aime pas voir certains juifs de France être obligés de planquer ce signe discret de leur foi. Finalement, on choisira de rire, en posant la question qui tue : c’est bien beau tout ça, mais qu’a-t-on prévu pour les juifs chauves ?
François-Xavier Ajavon
Rions sous les bombes…
Pour se défendre et pour défendre les valeurs de l’Occident, les Israéliens ont une armée imbattable, des services de renseignement rusés et méchants, et même, dit-on, quelques têtes nucléaires aptes à faire réfléchir les plus belliqueux de leurs voisins. Comme si ça ne suffisait pas, ils ont en plus l’humour juif. Voilà ce qu’écrivait après les attentats de Paris un internaute de Tel-Aviv sur le site du Times of Israel :
« Cet attentat est dû à l’oppression et à l’occupation française en territoire musulman. Cet acte terroriste est une réaction compréhensible face à l’apartheid, le génocide et le nettoyage ethnique que l’État français pratiqué quotidiennement envers les musulmans de son pays. J’invite les Français à ne pas réagir de façon “disproportionnée”. La seule solution est la création de deux États, avec Paris comme capitale partagée entre les musulmans et les Français. Les troupes de l’ONU pourront créer une zone tampon entre eux et maintenir la paix. »
Si on racontait ce gag en prime time sur une de nos chaînes de télé, je ne suis pas certain que tout le monde comprendrait. Mais de Haïfa à Eilat, on a dû bien rigoler…
Roland Jaccard
Lio est-elle devenue Barjot ?
Mère de six enfants conçus avec quatre pères différents, la chanteuse Lio a longtemps personnifié la femme libérée et la chanteuse engagée – c’est-à-dire de gauche. Jusqu’au drame, survenu le 3 décembre sur le plateau d’« Un soir à la tour Eiffel ». Interrogée sur le thème de la soirée « Famille française : les nouveaux modèles », l’artiste a signé son arrêt de mort médiatique en une minute chrono : « Je suis en psychanalyse lourde trois fois par semaine pour essayer d’accompagner mes enfants (…) car ils ont vécu quelque chose d’absolument pas rassurant, quelque chose qui est très difficile et qu’ils paient. (…) Je survis, je vis, je me bats, mais c’est franchement pas l’idée que j’ai d’enfants bien dans leur peau. (…) Je peux vous dire qu’être une famille recomposée, pour les enfants, c’est déchirant. »
Alessandra Sublet a failli en avaler son micro. L’animatrice a beau vouloir jouer la carte du talk-show divertissant, de là à pousser la déconne jusqu’à organiser un débat de société avec de vrais arguments contradictoires dedans… Le lendemain de ce dérapage, les juges de la bonne presse ont donc remis leurs notes, Les Inrocks condamnant une sortie « très caricaturale », cependant que la modératrice du site de L’Obs dénonçait un symptôme de la barjotisation des esprits. Horreur, malheur : Lio serait devenue Frigide ! Pour légitimer sa fatwa, l’hebdo progressiste a sélectionné quelques tweets pas piqués des vers, puisque leurs auteurs hésitent entre l’internement d’office et la rééducation au centre LGBT le plus proche. Eh oui, oser remettre en question le droit inaliénable à l’enfant, au nom des droits suprêmes de la marmaille, c’est franchement pas cool, sympa, moderne, bref de gauche.
Hélas, loin d’accomplir son autocritique façon procès de Moscou, Lio a récidivé quelques semaines plus tard dans Gala : « On a des droits et des droits et encore des droits, et nos devoirs ? Et les enfants dans tout ça ? (…) Moi, je suis une enfant de Mai 68, d’une génération pour laquelle les règles justement étaient mal vues. Celle du “Il faut interdire d’interdire”. Or il faut des interdictions, des limites, des frustrations pour se construire. »
C’en est décidément trop. Qu’attendent L’Obs et Les Inrocks pour exiger qu’on déchoie de sa nationalité française cette réac belgo-portugaise ?
Daoud Boughezala[/access]
*Photo : wikicommons.
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