Julia Cagé lutte contre la mainmise des milliardaires sur les médias, tout en occupant plus de plateaux télé et de conseils d’administration qu’eux: l’économiste vedette est devenue une sorte d’influenceuse anti-influence!
À l’heure où tout le monde convient que la presse a joué un rôle mineur par rapport aux réseaux sociaux dans la réélection du milliardaire Trump, la petite caste journalistique parisienne continue de s’inquiéter de la perte de contrôle de la gauche sur les médias. Sur internet, les militants s’échangent avec angoisse ces infographies montrant qui possède quoi dans la presse.
En investissant dans les journaux, nos milliardaires s’achèteraient-ils de l’influence politique ? L’économiste Julia Cagé en est persuadée. Selon elle, l’information est un bien public à protéger. Notamment d’Éric Zemmour. Cette crack passée par l’ENA et Harvard qui enseigne à Sciences-Po a déjà publié cinq essais dans lesquels elle livre ses recettes pour une bonne kolkhozisation des journaux. Elle a aussi appelé les citoyens à investir dans les médias via son association Un Bout des médias – avec peu de succès –, mais a refusé l’investiture que lui proposait le NFP aux législatives. Celle qui est depuis 2014 l’épouse de Thomas Piketty voit d’un très mauvais œil une statistique qui, paraît-il, devrait nous empêcher de dormir la nuit : 10 milliardaires possèdent plus de 80 % des titres en France. Selon elle, cette concentration autour de MM. Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Drahi, Niel, Kretinsky, Lagardère, Pinault ou Saadé nuirait à l’indépendance des journalistes. N’est-ce pas là accorder une influence aussi convenue que démesurée à notre noble profession, et, surtout, passer sous silence le fait que sans tous ces généreux mécènes, de nombreux journaux auraient mis la clé sous la porte depuis longtemps ? Qu’importe : l’économiste est régulièrement appelée à la rescousse pour porter la bonne parole dès qu’il s’agit de recouvrir de vernis pseudo-scientifique un quelconque débat sur les médias.
Couverture de L’Obs, interventions régulières sur France Inter, France 5 ou Mediapart : dans l’univers concentrationnaire qu’elle décrit, Mme Cagé n’est finalement pas une voix si rare. Elle est aussi parvenue à prendre la présidence de l’influente Société des lecteurs du quotidien Le Monde (où son époux tient une chronique mensuelle) et à avoir une place au conseil d’administration de l’AFP. Mais quand nos affreux milliardaires se décideront-ils à la faire taire, à la fin ?