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Il n’est de vrai débat qu’avec Léa Salamé

Les médias veulent confisquer le grand débat


Il n’est de vrai débat qu’avec Léa Salamé
Léa Salamé dans "L'Emission politique" du 24 janvier 2019 sur France 2 / Capture d'écran

Le grand débat sera médiatique ou ne sera pas.

Pourquoi Emmanuel Macron nous impose-t-il des heures de discussions personnelles avec des « vrais gens » ? Parce qu’il sait que les médias vont lui consacrer tout leur temps d’antenne, trop inquiets de voir la concurrence avoir l’exclusivité de la parole présidentielle. Résultat : sur les chaînes d’information en continu, quand Macron parle, c’est Macron en continu. Et pendant ce temps, les médias ne peuvent pas confisquer, mettre en scène ou scénariser le débat, imposer des visages, sélectionner les thèmes, faire du buzz.

Parce qu’ils n’attendent que cela. Comme dit le fabuliste: « Nous l’allons montrer tout à l’heure. »

Le Monde accuse le président de manipuler le peuple

Beaucoup aiment à dire que Le Monde est devenu ce qui se fait de pire en matière de presse écrite. Je ne suis pas d’accord : on y trouve souvent des articles bien écrits, dont les rédacteurs sont manifestement attachés à une certaine éthique du journalisme et s’efforcent de gommer toutes les traces de leur subjectivité. J’ajoute qu’on se discrédite toujours en caricaturant l’adversaire ou en lui faisant de faux procès.

Mais on trouve aussi dans le « quotidien de référence » les déviances actuelles du discours médiatique. Toutefois, et c’est ce qui me plaît, elles apparaissent sous une forme toujours plus subtile qu’ailleurs.

Prenons l’exemple de cet article, paru dans le numéro de mardi 22 janvier :


le gd débat


A priori, l’angle est le suivant : quel effet l’organisation du « Grand Débat » a-t-elle sur la popularité du président de la République ?

Le chapeau introductif précise l’approche : « Alors que le chef de l’Etat remonte très légèrement dans les sondages, les macronistes sont divisés sur l’opportunité de participer à la manifestation de soutien au pouvoir, le 27 janvier. »

Il s’agit donc d’un article consacré aux discussions internes à la majorité. De fait, le papier rend compte des différentes positions qui traversent le parti présidentiel, selon une structuration qui part des appréciations les plus optimistes (ceux qui constatent dans les sondages un « réflexe légitimiste en faveur de l’ordre ») pour aboutir aux points de vue les plus mesurés (qui ne veulent surtout pas donner l’impression que « deux camps s’opposent »: le pouvoir vs les gilets jaunes).

Très logiquement, l’article est donc essentiellement un montage de citations.

Et ce, dès la première phrase :


question initiale


Aucune ambiguïté : le verbe « endormir » est signé de la « Gilet Jaune » Priscillia Ludosky. La citation est clairement attribuée à son auteur et a une vocation fortement polémique; elle est même une accusation forte. En phrase d’accroche, c’est tout bon.

Ce terme, évidemment métaphorique, est fortement négatif : « endormir la contestation » signifie donner aux gens l’illusion qu’on les écoute, voire qu’on leur donne satisfaction, dans le seul but de désarmer leur mouvement. « Endormir » la contestation n’implique nullement de « l’apaiser ».

Pourtant, voici le dernier paragraphe de l’article :


endormir


Les trois journalistes qui signent l’article répondent sans guillemets à la question qu’ils avaient posé avec des guillemets ! Selon eux, et ils l’assument pleinement, Emmanuel Macron cherche à endormir la contestation. L’expression fortement polémique est assénée avec la force de l’évidence et de la neutralité.

Ils accusent le président de manipuler l’opinion, ni plus ni moins.

Pourquoi ont-ils ressenti le besoin d’ajouter cette phrase de conclusion ? Peut-être parce que ce débat, les médias entendent le préempter comme ils le font désormais systématiquement, court-circuitant les institutions. Ils ne laisseront pas le président nous endormir, ils le feront eux-mêmes, tentant dans une mise en scène désespérée de reconquérir la sympathie et la confiance de l’opinion.

Il n’est de vrai débat que sur un plateau télé

Il n’est de vrai débat qu’avec Léa Salamé.

La politique est le domaine de la manipulation, nous sommes les seules institutions légitimes : voilà la petite musique qui monte, depuis déjà un certain temps, dans la sphère médiatique. C’est une parade face aux critiques. Mais cette stratégie peut aussi exacerber les agacements.

Tandis que j’écris ces lignes, je suis d’un œil et d’une oreille distraits (en écriture inclusive: « distraites ») l’Emission politique de Léa Salamé et Thomas Sotto, sur France 2. Le casting est impressionnant : des…

>>> Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux <<<

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Agrégée de lettres modernes, spécialiste de grammaire, rhétorique et stylistique. Dernier ouvrage: "Les Marchands de nouvelles, Essai sur les pulsions totalitaires des médias" (L'Artilleur, 2018)

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