Ah, elle n’a pas été longue la réplique des tolérants, ou plutôt de ceux qui confondent tolérance et démocratie. En ce dimanche tranquille, l’un des correspondants savoyards du Culet (comité uni pour une littérature éthique) m’a prévenu que le site Mediapart prenait la défense du rouge-brun Limonov dont nous avions dénoncé ici, grâce à cet asile pour vrais vigilants qu’est Causeur[1. Encore que par souci de réinsertion ce site abrite malheureusement d’anciens rouges-bruns que je ne nommerai pas.], la réapparition éditoriale chez Actes Sud, maison respectant pourtant d’habitude cette éthique à laquelle ma famille de pensée est tellement attachée. Que cela plaise ou non à Mediapart, il y a une tentation rampante à éditer ou rééditer, dans les meilleures maisons, des auteurs idéologiquement suspects. Etait-il indispensable par exemple que Le Dilettante publiât le mois dernier Enfantillages de Jacques Perret qui fut en son temps un écrivain monarchiste et proche de l’OAS ? Que quelques esthètes dévoyés voient chez Perret un sommet de la prose française et une manière inimitable de donner de jolies couleurs à notre langue est une chose, que cela soit édité sans la moindre précaution d’usage, par exemple une remise en perspective de Perret et de ses liens avec l’extrême droite, est véritablement dangereux.
Si les jeunes gens des cités risquent à tout instant de croiser un dealer, ceux des quartiers plus favorisés, eux, risquent de croiser un libraire. Et tous les libraires n’ont pas le bon sens de recommander des livres sains aux jeunes âmes en quête de sens. Plutôt que Pennac, Picouly ou Fred Vargas, qui a récemment rallié mon parti, ils pourront leur conseiller, parce qu’ils sont en vente libre et sans avertissement, l’antisémite surévalué Céline ou, plus proche de nous, Houellebecq, dont le pessimisme morbide, le racisme latent et l’islamophobie sont absolument effrayants, surtout à l’approche d’élections européennes qui doivent être vécues dans un esprit de fraternité démocratique. Tout le monde n’a pas le sang froid d’Elisabeth Lévy qui peut interviouver Maurice G.Dantec sans vomir et montrer ainsi à quel point cet auteur crypto-nazi est proche du delirium tremens.
Tu quoque mi fili ! seraient tentés de lancer tous les membres du Culet au site Mediapart en qui nous pensions trouver un allié dans l’élaboration de cette charte pour une littérature démocrate et humaniste qui se révèle plus que jamais indispensable
Hélas, il semble que notre combat soit encore plus dur que prévu, que bon nombre d’éditeurs, de journalistes et d’écrivains fassent preuve d’une inconséquence citoyenne tragique qui n’est pas sans rappeler les discussions des moines byzantins sur le sexe des anges alors que les Turcs assiégeaient Constantinople.
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