Les éditeurs de « beaux livres » se déchaînent dès le mois de novembre. Ils envoient à toutes les rédactions leur « joli » catalogue, brillant, lustré, sucré, calibré comme les rêves des gagnants du Loto. Tout l’hiver dernier, ils ont mitraillé en rafale des macarons, des châteaux de la Loire, des porte-jarretelles et des plages lointaines. Gare à l’overdose de photos glacées en cette fin d’année ! Trop de quadrichromie nuit à la bonne santé. Parmi ces innombrables livres à date de péremption explosive, certaines maisons trouvent encore des trésors.
Ce McQueen inédit en noir et blanc qui vient de paraître aux Editions Premium en est un. Il exhume des clichés jamais vus et jamais imprimés (!!) du photographe américain Barry Feinstein. On croyait tout connaître du Kid de Cincinnati, ses belles bagnoles, ses escapades dans le désert du Mojave, sa gueule d’ange préparant un mauvais coup et cette cool attitude inimitable. McQueen comme Marilyn ou le Che fait tout vendre depuis sa mort. Son image sert les intérêts de l’horlogerie de luxe, de la construction automobile ou bien encore des lunettiers. C’est la « Grande Evasion » publicitaire. Barry Feinstein (1931-2011) n’était pas un de ces fous de la gâchette. Sa photographie naturelle sans recadrage et sans trucage restitue Steve dans sa vérité originelle. La légende y gagne en sincérité. L’amitié entre l’acteur et le photographe est née autour de passions communes : les motos et un certain goût du risque. Feinstein possédait une Indian Scout rouge de 1929 et une Triumph Bonneville 650 TT préparée par Bud Ekins, le célèbre cascadeur.
Avec de tels arguments pétaradants, la discussion prend forcément des tours. Feinstein était une pointure dans son domaine, formé à l’école de Life Magazine, passé par les studios d’Hollywood, ses travaux ont été publiés dans les pages de Time, Look, Esquire, Newsweek, Rolling Stones, etc… Il a même réalisé des centaines de pochettes d’albums. Judy Garland, Clark Gable, Bob Dylan, Janis Joplin, Barbara Streisand, JFK ou Nixon ont été dans son viseur. Son style tout en retenue et sobriété se résume dans l’une de ses maximes préférées: « savoir quand ne pas appuyer ». Cette phrase aurait plu à McQueen, savoir lever le pied à l’entrée d’une courbe pour en ressortir plus vite, c’est le b.a.-ba des pilotes de course. Les archives de Feinstein raviront les fans de l’acteur et ils sont nombreux en France. Hommes et femmes confondus. On y retrouve McQueen sur le tournage de Bullitt en 1968 mais également sur différents circuits où le comédien ne faisait pas de la figuration. « La course, c’est la vie ! Tout ce qui se passe avant ou après, c’est juste de l’attente » disait-il.
Chez nous, mai 68 est vénéré par quelques étudiants attardés comme la Statut de toutes les libertés. Pendant qu’on jetait des pavés rue Gay-Lussac, histoire de se défouler, la vraie révolution se déroulait à San Francisco. Elle était incarnée par le lieutenant Franck Bullitt. Son apparition sur les écrans a déboulonné le vieux monde. Col roulé en cachemire sous une veste à chevrons, pantalon cigarette, bottines en daim, McQueen conduisait une Mustang Fastback vert anglais dans les rues escarpées de la ville. Mao pouvait aller se rhabiller. Ce film, par son amertume et sa tension, vaut tous les manuels d’éducation politique. Et puis, il y a la présence de Jacqueline Bisset dont la beauté irréelle serrait notre cœur d’adolescent. Feinstein était là, dans la coulisse, il a tout vu et a immortalisé ce moment d’anthologie.
McQueen inédit, Barry Feinstein – Editions Premium
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