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Etats-Unis: trop blanche, la mayonnaise monte au nez des progressistes

Les "condiments identitaires" prennent la relève des sauces traditionnelles


Etats-Unis: trop blanche, la mayonnaise monte au nez des progressistes
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Une journaliste américaine a regretté, dans un article, le recul des sauces traditionnelles comme la mayonnaise devant le développement des « condiments identitaires ». C’est assez pour piquer la susceptibilité des « cuisiniers » du nouveau monde…


Un article du Philadelphia Magazine, intitulé « Comment la génération Y a tué la mayonnaise » (« How Millenials Killed Mayonnaise »), a suscité, samedi 11 août, un tollé dans les médias américains ; tollé particulièrement insolite pour un texte publié dans la catégorie « Gastronomie ». En cause : la création du concept astucieux d’« identity condiments », ou condiments identitaires, calqué sur la notion anglo-saxonne d’« identity politics », la théorie politique qui repose sur l’identité et l’appartenance à une minorité.

Le grand remplacement des condiments

A l’origine du papier : le constat douloureux de l’esquive, de moins en moins dissimulée, des pique-niques familiaux par les jeunes générations. C’est que, selon l’auteur, la mère de famille Sandy Hingston, la bonne vieille cuisine américaine, copieusement agrémentée de mayonnaise, n’est plus assez exotique pour correspondre aux goûts mondialisés des jeunes de l’âge de ses enfants. Désormais, la place de la mayonnaise se réduit dans les rayons des supermarchés, remplacée par « quatre sortes de moutarde, trois ketchups (dont un fabriqué à partir de bananes), sept sortes de sauce salsa, du kimchi, du wasabi, et des saveurs de toutes les couleurs ».

Mais ce plaidoyer pour la sauce de nos aïeux n’aurait pas tant déplu si l’auteur s’en était tenu à la déploration nostalgique du temps qui passe. Les revendications identitaires passent aussi par les préférences alimentaires : voilà ce qu’exprime, d’un ton léger, l’article publié dans le Philadelphia Magazine.

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Si elle fait de l’adoption de la mayonnaise, par l’immigré fraîchement arrivé sur le sol des Etats-Unis, le symbole de l’assimilation et de l’adoption du rêve américain, comme ce fut le cas pour ses grands-parents, l’auteur observe, avec une certaine mélancolie, qu’aujourd’hui « les jeunes générations refusent de rentrer dans le rang sans broncher en adoptant un héritage culinaire qui n’a jamais été le leur. Au contraire, ils engloutissent de nouveau kefir, afjar, chimichurri et gochujang ». En outre, l’enracinement dans les traditions familiales ne fait bien sûr recette que pour ceux qui peuvent se revendiquer, ethniquement ou culturellement, minoritaires ; et les pauvres Américains qui n’ont pas cette chance trouvent, à travers la nourriture, un moyen de s’inventer des racines plus dignes. « Je ne fais pas partie des masses de vieux qui mangent de la mayo ; je suis turque et suisse, je mange de la dinde sur de la ciabatta, avec du tzatziki, du chipotle et un peu de pesto au basilic », pastiche-t-elle.

Et la journaliste de conclure, avec une note d’humour : « Quelque chose de vieux et blanc n’est pas nécessairement obsolète. Regardez Shakespeare. Regardez-moi. »

Touchez pas au chili !

Éloge du fumet des plats d’antan, célébration des arômes traditionnels : voilà qui ne pouvait manquer de contrarier les zélateurs de la société nouvelle. C’est ainsi que, entre autres, The Guardian (version américaine) a publié deux articles furieux, l’un réfutant le fait que la génération Y ait « tué la mayonnaise », l’autre insistant sur le caractère nauséabond du texte du Philadelphia Magazine. Utilisant les ficelles les plus grosses , ce dernier tente de faire passer l’auteur pour une timorée de l’ancien monde inquiète de l’avènement du nouveau, convoquant les migrants, les gays (?!) et le politiquement correct. Et l’amusant, et nuancé, article sur la mayonnaise suscite en retour une défense ardente des minorités. « Si nous voulons progresser, nous dit-on, nous ne devons pas nous laisser distraire par nos différences, mais nous rassembler. Même si cela implique d’ignorer des choses gênantes, comme le racisme et le sexisme systémiques, au profit du bien commun ». Eh oui, la vie est une longue suite de choses gênantes…

En attendant, laissons les défenseurs des opprimé-e-s réciter leur sermon, et délectons-nous d’oeufs mimosa.

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