Après trente-deux plaintes, dont deux pour agressions physiques, plusieurs pour menaces et injures racistes, Samuel Mayol vient de déposer sa trente-troisième plainte (un chiffre christique) pour « dénonciation calomnieuse » contre la présidence de l’université Paris 13, dont dépend l’IUT de Saint Denis qu’il dirige.
Rappelons les faits. Vendredi 16 octobre, la direction de Paris 13 avait déposé une main courante, suspectant M. Mayol d’avoir lui-même introduit des tapis de prière dans le local de l’association « pour jeter le discrédit sur la présidence de l’université en laissant penser qu’elle tolère le prosélytisme religieux en son sein ».
En amont, deux scandales sont à l’origine de cette affaire – et des ennuis que connaît le directeur de l’IUT ces dernières années :
– Comme l’atteste un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, Samuel Mayol a mis un terme aux tentatives de détournement de fonds auxquelles s’adonnait au sein du département « Techniques de commercialisation » Rachid Zouhhad.
– En octobre 2012, Samuel Mayol a mis fin à la vente illégale de sandwiches que pratiquait l’association à l’intérieur du local qui lui était attribué dans l’enceinte de l’IUT.
En février 2014, il a décidé d’imposer à l’association le partage dudit local avec l’UNEF et la Confédération étudiante, jusqu’ici privées de bureau. Comme par hasard, une alerte à la bombe a été déclenchée le jour ou il devait récupérer les clefs. En fouillant l’IUT, la police y découvre des tapis de prière.
Mais ce n’est que le 24 juillet 2015, après maintes sollicitations de la part de Monsieur Mayol, que l’université se décide enfin à vider ce local devenu mythique en présence de la présidente de l’association ainsi que Messieurs Didier Guillot, Patrick Janvresse et Thierry Camus. À la même heure, Samuel Mayol a rendez-vous avec un étudiant de l’UNEF et ne peut donc être présent.
La nouvelle présidente de l’association ne se présente pas sur place. En dépit du bon sens, son absence incite les présents à ne pas vider le local comme prévu. Le 14 octobre, l’IUT décide de vider ce local car l’université ne l’a toujours pas fait. Monsieur Tétard, un des enseignants présents sur les lieux, constate alors la présence de vingt-six tapis.
Et voilà que le surlendemain, Paris-13 dépose une main courante contre Samuel Mayol après la découverte « de plusieurs tapis de prières supplémentaires (une vingtaine de petits formats), par rapport à une précédente visite le 24 juillet ». C’en est presque cocasse : une simple main courante, même pas une plainte, décide Le Monde (qui n’avait dit mot de son agression quelques jours plus tôt) à titrer : « Le directeur de l’IUT de Saint-Denis soupçonné de manipulations à visées anti-islamistes » Le tout, sans apporter le moindre début de preuve. « La direction de Paris 13 accuse Samuel Mayol de manipulations à visées-anti-islamistes mais se contente d’une main-courante » eût été un titre objectif et informatif. Quoi qu’un poil ridicule car quiconque a des visées anti-islamistes me semble digne de considération.
Sur quoi se fondent les accusations de l’université à l’encontre du directeur de l’IUT ? D’après Le Monde, « La direction de Paris XIII s’est notamment fondée sur l’exploitation des données du lecteur de badge qui commande l’ouverture de la porte du local et des images de la vidéosurveillance des couloirs de l’IUT. Sur ces images, on voit M. Mayol entrer dans le local avec une sacoche rouge en bandoulière et tenant à la main un sac blanc et en ressortir avec sa seule sacoche rouge. »
Première erreur : le local de l’association n’est pas visible par la caméra. Les images ne laissent entrevoir que l’entrée d’un sas, derrière laquelle les portes des différents locaux (siège de l’association, bureau du club sportif…) restent dans un angle mort.
Or Samuel Mayol déclare justement avoir pénétré dans ce sas pour y déposer une quinzaine de t-shirts – contenus dans ce fameux sac blanc. Ces vêtements venaient de son bureau, le genre de t-shirts de que les étudiants revêtent pour représenter leur école à l’extérieur mais que le récent changement de logo de l’IUT avait rendu obsolète. Constatant qu’il lui restait une quinzaine de t-shirts frappés de l’ancien logo, M. Mayol décide de les porter à l’association sportive plutôt que de les jeter.
Au passage, rappelons que :
– Samuel Mayol a beau s’être salement fait casser la figure, il lui reste suffisamment de cellules grises pour avoir conscience qu’une caméra filme ce sas. S’il avait voulu échapper à la vigilance des caméras, il ne se serait tout simplement pas rendu sur place.
– Samuel Mayol sait que plusieurs personnes avaient compté le nombre de tapis de prière installés dans ce local le 24 juillet. Par conséquent, il n’aurait pu ajouter de tapis, sans que cela ne se voie. Voici d’ailleurs le témoignage d’un des individus présents sur place : « Le 24 juillet, Monsieur CAMUS, directeur général des services adjoint, m’a demandé de constater de visu le local de l’association. Il y avait une vingtaine de tapis éparpillés dans le local. De plus, mon bureau étant mitoyen du local étudiants, j’ai entendu les étudiants utilisant ce local, faire leur prière. » Il précise même à l’AFP avoir entendu « quotidiennement des étudiants y prier à l’heure du déjeuner et le soir après 17 heures » »
Aucun tapis supplémentaire n’a donc été posé… sauf si l’on en croit Thierry Camus, Directeur Général des Services Adjoint de Paris 13, autrement dit le numéro 3 de l’Université. Et à qui faut-il faire plaisir lorsqu’on est numéro 3 de Paris 13 si l’on veut avoir de l’avancement ? Devinez… Bizarrement, M. Camus a attendu pratiquement trois mois pour réaliser que les quatre tapis de prières qu’il prétend avoir vu lors de sa visite du 24 Juillet ne correspondaient pas du tout à la « trentaine de tapis » évoquée par Le Point, Le Figaro et bien d’autres il y a plusieurs mois.
Question subsidiaire : les t-shirts ont-ils été réceptionnés par la responsable du service des sports? Lorsqu’on la questionne, elle refuse de répondre. Notons que cette femme respectable est contractuelle, donc titulaire d’un emploi précaire et susceptible de se faire virer de l’IUT. Devinez qui est son supérieur : M. Mayol ? Non, M. Salzmann, le président de Paris XIII !
Cela fait beaucoup de coïncidences. D’autant que la direction de l’université, qui brille par son absence depuis le début de l’affaire, déclare aujourd’hui la guerre à Mayol. Pourquoi ce réveil subit ?
– Serait-ce parce que Monsieur Salzmann s’est fait ridiculiser par Me Richard Malka sur iTélé le 14 Octobre ?
– Serait-ce parce qu’aujourd’hui à 11 heures, une mobilisation en faveur de Monsieur Mayol réunira personnels enseignants, administratifs et étudiants qui arrêteront tous, toute activité au sein de l’IUT pendant une heure?
– Serait-ce parce que l’association Anticor a déposé plainte contre Rachid Zouhhad pour détournement de fond et tentative de détournement?
– Serait-ce parce que très prochainement, un événement top secret que Monsieur Salzmann doit connaître aussi bien que nous, le désavouera une nouvelle fois en place publique?
Le futur ex-président de Paris 13 (son mandat expire en mars 2016) a envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception à Samuel Mayol pour le sommer de se présenter dans son bureau le 27 octobre au matin, en présence du directeur général des services et de la DRH. Sans aucune motivation précise.
En attendant, M. Mayol, dont on sous-entend qu’il serait un affabulateur, se remet d’une entorse des cervicales et d’un dérèglement de l’oreille interne constatés médicalement. Il lui est même conseillé de vérifier qu’il n’aurait pas un décollement de la rétine et une fracture de l’arcade sourcilière. Mais il devrait se rétablir sans séquelles…
Quant à Monsieur Salzmann, actuellement président de la Conférence des présidents d’université (CPU), le pauvre devra se résoudre à rendre son second tablier. Il a bien essayé de réviser les statuts de la CPU qui exigent que son président dirige une université mais ce fut en pure perte car les présidents d’université ont voté contre sa proposition. Laisser passer une telle occasion de se débarrasser de notre grand homme eût été folie. Monsieur Salzmann risque d’avoir du temps libre. En profitera-t-il pour lire La Chute de Camus ?
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