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Mauvaises nouvelles de la France

Sur "Une fin du monde sans importance" de Xavier Eman


Mauvaises nouvelles de la France
Cyril Hanouna et Enrico Macias. Auteurs : Henri Collot/SIPA. Numéro de reportage : 00932613_000025

 


Dans Une fin du monde sans importance, le chroniqueur du magazine Eléments Xavier Eman tire à boulets rouges sur le progressisme ambiant. 


Avec son troisième livre Une fin du monde sans importance, Xavier Eman signe une satire mordante contre l’idéologie progressiste qui n’est pas sans rappeler Philippe Muray. Comme son père spirituel, il s’inspire des aberrations engendrées par l’époque actuelle pour tourner en dérision, avec une causticité redoutable, les dérives et les contradictions des dogmes contemporains : de l’écologisme punitif à l’ostracisme pratiqué par les minorités sexuelles en passant par le matriarcat.

Tel La Bruyère avec ses Caractères, Xavier Eman, met en scène une série de personnages, victimes et bourreaux, qui lui servent d’archétypes pour railler notre époque et déboulonner ses veaux d’or. Si certains portraits sont volontairement outranciers, c’est dans l’unique but de rendre visible un réel que beaucoup planquent sous le tapis pour mieux goûter au confort du conformisme.

Société écervelée

C’est le cas du portrait intitulé « Crottin de Chavignol, crime contre l’humanité ». Le titre plante à lui tout seul le décor. On y découvre un jeune militant écolo qui fait l’affront d’être flexitarien et qui se retrouve embrigadé dans une opération commando menée par un groupuscule de végans antispécistes. Pour dénoncer les souffrances animales, ces derniers préfèrent saccager une fromagerie familiale plutôt que de s’attaquer au McDo du coin.

Un clochard qui a le malheur de se sustenter d’un sandwich au saucisson à leur passage, subit la violence sanguinaire de ces épurateurs en herbe. En quelques formules bien ciselées, Eman nous projette dans une scène digne d’Orange mécanique revisitée à l’aune du fanatisme vert.

Par touches successives, Xavier Eman dévoile ainsi le portrait d’une société écervelée, à la dérive, rendue étrangère à elle-même. Ainsi, on découvre l’emprise de la réalité virtuelle sous les traits d’un père de famille qui tue son fils en arrêtant sa voiture d’un coup sec pour aller attraper un Pikachu. La débâcle du couple est dépeinte à travers les diktats de femmes vénales et castratrices. Les tartufferies des bien-pensants du gauchisme, sont dénoncées à travers la réaction d’un « petit blanc bourgeois cisgenre » qui passe son temps à vanter les bienfaits de l’immigration jusqu’au jour où des migrants sans papiers débarquent dans son cossu appartement avenue de Breteuil. La droite aussi en prend pour son grade. Ici, on assiste au retournement de veste d’un militant de l’Action française qui vire macroniste voyant dans Jupiter, le retour du régalien. Là ce sont les tiraillements intérieurs du bourgeois des beaux quartiers, électeur LR, qui devant les manifestations des Gilets Jaunes, est pris entre « sympathie » pour cette « France d’avant » qui « sent bon le terroir »  et « agacement » devant les émeutiers, « ces gens bruyants et vindicatifs » qui ont entrainé une chute de la croissance et la suspension de son confort bourgeois.

Le bazooka de la critique sociale

Mais c’est sur le système médiatique et la médiocrité avilissante des talk shows que Xavier Eman tire à boulets rouges. On peut voir là une manière pour le chroniqueur du magazine  d’Alain de Benoist, Eléments, de prendre sa revanche contre un système qui ostracise facilement des débats publics tout intellectuel suspect de complaisance néo-fasciste. En tout cas, sa critique s’attaque à la formidable propagande destinée à retourner les restes de cerveau disponible des gens et à les convaincre que la « normalité » est de revendiquer son identité LGBTQIAP ou encore, accepter que seule l’écriture inclusive peut sauver la langue de Molière trop sexiste pour libérer les femmes.

L’auteur s’en donne à cœur joie et tire au bazooka sur les saltimbanques du petit écran à l’égocentrisme gonflés au mépris. A peine voilés par des noms d’emprunt, on reconnaît sans peine les indétrônables stars de la télé-poubelle. L’auteur taille d’ailleurs un costard sur mesure à un double de Hanouna dans la nouvelle qui clôt le livre en le décrivant comme  « le grand lobotimisateur en chef ». Ce sont eux les chiens de garde enragés, aux rires de hyènes en chaleur, qui font défiler à longueur de plateaux « les drag-queens merveilleusement épanouies, les freaks acéphales de la télé réalité (…) tout ce petit monde qui vante la nécessaire libération des infâmes carcans et de toutes les règles à commencer par celle fascisante de la nature » On pourrait rajouter : une nature forcément fascisante quand il s’agit de l’Homme mais bienveillante quand il s’agit de sauver les escargots !

Xavier Eman montre comment derrière cette entreprise d’abrutissement généralisé, la révolution du progressisme est une opération de délégitimation de l’ancien monde. Il faut purger toutes ces scories qui subsistent afin de faire advenir un nouveau monde où, comme le raconte l’auteur, on débaptise un lycée de banlieue portant le nom d’un héros de la Grande Guerre pour choisir le nom de scène d’un rappeur, natif du lieu, intronisé lors de ces talk- shows comme le nouveau Molière d’un franglais inclusif et non-genré.

Dernières poches de résistance

Pourtant, tout n’est pas irrémédiablement perdu. Parmi cette galerie d’individus pétochards, malléables comme de la glaise, quelques uns font de la résistance. Il y a cet ancien militaire à la retraite et son épouse qui envoient paître leur descendance, complètement endoctrinée par l’hygiénisme gouvernemental, et qui font un pied de nez au précautionnisme liberticide en se soûlant au porto en pleine canicule.

Autre cas de résistance, plus radicale cette fois, une caissière, archétype de cette France d’en bas, périphérique, qui roule en diesel, qui fume des clopes comme dirait l’autre, qui se lève tôt et part bosser pour des clopinettes et qui se tape des briefings matinaux de marketing opérationnel vantant « la flexibilité » et « l’esprit corporate », tout ce baratin pour cliquer sur les codes barres des produits ! Ça finira mal.

Dans la dernière nouvelle, l’anti-héros, un prof désabusé par ce renversement des valeurs, se sacrifie sur l’autel de la bêtise festive et criarde. On pense, bien entendu, à la figure christique. Seulement l’auteur, emporté par son pessimisme à la Houellebecq, ne sauve pas son personnage dont le geste fatal et désespéré ne provoque aucune révélation salvatrice. Une fin du monde sans importance donne à l’avenir les couleurs du pessimisme.

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