À écouter les radios et les télés depuis deux jours, on a l’impression que la guerre civile est déclarée à l’UMP et que le « campus » du parti majoritaire, jamboree pour jeunes militants à T-shirts ridicules qui s’est tenu à Marseille ce week-end, s’est mué en bataille de la Marne. Et que Fillon a été plus applaudi que Copé, et que Raffarin a fait du boudin pour une histoire de TVA (finalement mort-née) sur le Futuroscope. Et que Devedjian a dit dans la presse qu’il avait des doutes sur le pré-programme présidentiel, sans oublier Rachida Dati qui ne lâche rien sur la Mairie de Paris, bref, l’enfer en plus chaud.
Un beau bordel à neuf mois de la présidentielle, soulignent donc en chœur les commentateurs avisés. Comme si face au PS qui se serait déchiré à la Rochelle, « en dépit d’une photo de famille avec tous les candidats à la primaire » (dans le texte), il fallait absolument proclamer que la droite est en lambeaux pour les mêmes raisons. Voici donc venu le temps du parallélisme des formes politiques, un peu comme si l’équité prônée par le CSA avait dégénéré en traitement identique pour les deux camps.
Pourtant il y avait mieux à faire à Marseille que ce mauvais pastiche de la Rochelle, car la droite majoritaire est bel et bien balkanisée. Mais pas pour les raisons énoncées dans les médias. Malgré les petites grognasseries qui ne manqueront pas d’apparaître dans les semaines à venir, elle devrait s’aligner comme un seul homme derrière Nicolas Sarkozy, qui même aux tréfonds de la popularité, reste la meilleure chance de victoire à la présidentielle donc l’assurance – ou en tout cas l’espoir raisonnable – pour un paquet d’élus, fussent-ils chafouins, de retrouver un siège de député en juin prochain.
Jean-Pierre, François, Jean-François, Rachida et les autres : combien de divisions ?
Mais passons les divisions en revue. Raffarin, vexé, joue les rebelles car le Président aurait eu des mots durs à son endroit et qu’en plus on voulait taxer son parcs d’attraction. Il aurait même menacé de ne plus aller au petit déjeuner rituel de la majorité – quelle terrible menace ! Avant de revenir sur sa décision et, à Marseille, d’animer comme si de rien sa table ronde sur la crise financière. La belle affaire ! Alors certes, Raffarin, a été Premier ministre de la France (si, si). Il doit peser un peu au Sénat (oui, oui) et dans la Vienne. Mais quelle est la force de frappe réelle de Raffarin? Qui connaît Monsieur Raffarin, à part ses électeurs et poitevins et quelques amis députés des Républicains sociaux (ou un truc approchant) ? Pouvoir de nuisance ? Quasi nul. Pouvoir d’occupation médiatique? Assez grand. Au moins toute la journée du samedi.
Venons-en au cas Patrick Devedjian. Lequel ne cache pas qu’il est en fort mauvais termes avec le chef de l’Etat, surtout depuis que celui-ci s’est mis en tête de faire régner son fils sur les Hauts de Seine. Il critique le non-projet de l’UMP ? C’est un non-événement, il a dit bien pire depuis trois ans, y compris lorsqu’il était ministre de la Relance. Pouvoir de nuisance ? Sans doute non nul, mais autolimité car Devedjian n’a aucune envie de prendre la tête d’une croisade anti-sarkozyste. Pouvoir d’occupation médiatique ? Limité aussi, encore que les journalistes n’hésitent jamais à l’appeler. Quand il décroche, on est sur d’avoir son lot de vacheries, agrémenté de quelques analyses pertinentes.
Copé qui fait la tête à Fillon, c’est plus sérieux. Ils ne s’aiment guère. Un peu comme s’ils se voyaient rivaux pour 2017. Et il est indubitable que les militants ont plus applaudi le Premier ministre que le Secrétaire général de l’UMP. Pas vraiment un scoop, ni même une surprise. Arrogant comme pas deux, Copé ne se laisse pas tellement aimer : même quand il fait des blagues, on a l’impression qu’il vous gifle. Et bien qu’il fasse des efforts, on sent qu’il trouve tout le monde moins intelligent que lui. Pas étonnant qu’à l’applaudimètre, ça rende moins. Je me demande même si le but actuel de Copé est d’être populaire. Il va attendre de lancer sa candidature pour la présidentielle de 2017 pour essayer ça. Pouvoir de nuisance ? Pas nul, après tout, si Copé traîne les pieds ou fait du zèle, la campagne peut mal se passer. Mais a-t-il vraiment envie qu’on dise qu’il est coresponsable de la défaite ? Pouvoir d’occupation médiatique ? Immense, ça fait des jolies images, les sourires crispés.
Enfin, Rachida Dati trépignerait très fort pour être la candidate de l’UMP aux législatives dans le VIIème et aux municipales dans tout Paris. Il parait qu’elle embarrasse l’Elysée. Il semble plutôt qu’elle énerve à en croire les échos dans lesquels ses bons amis laissent entendre anonymement qu’il faut « qu’elle se méfie, à demander tout, tout le temps ». Bien. La presse l’oppose aussi souvent à Fillon qui aurait des vues sur les mêmes territoires, une fois Matignon derrière lui. Ne sont-ce pas pour l’instant purs fantasmes journalistico-militants ? En vérité, personne n’en sait rien. Ce qu’on sait c’est que Dati en veut, et que oui, elle peut être terriblement casse-pieds. Pouvoir de nuisance: je dirai nul, elle a encore moins d’amis et mille fois moins de féaux que Copé. Pouvoir d’occupation médiatique: immense, Dati est super à la télé et sur papier glacé.
Les querelles sont bruyantes à gauche, silencieuses à droite
Alors, combien de divisions ? Rien d’irréparable si on s’en tient aux faits. Mais – et c’est peut-être rassurant – de véritables fractures idéologiques, comme au PS et, tiens tiens, sur les mêmes sujets. Par exemple sur certaines options stratégiques qui arrivent dans deux jours à l’Assemblée, pour combler le déficit de la France et sauver le graal du Triple A. Mais même les députés qui préféreraient autre chose que des ravaudages de dernière minute n’auront pas le courage de gueuler longtemps et s’en tiendront, pour l’essentiel, à quelques petites phrases balancées dans les couloirs.
Bien sûr, Borloo et ses amis monteront au créneau. Et on va criera à la division de la droite, turlututu chapeau pointu. Là encore, relativisons, les centristes vont faire monter les enchères et tenter de se différencier, logique. La vérité, c’est que, hors de l’écime d’un week-end, la division est silencieuse à droite, alors qu’elle est bruyante à gauche. Question de rapport à l’autorité sans doute.
L’année passée, on nous a fait le coup du choc des titans, Bertrand/Copé, qui se passaient dans la douleur les commandes du parti majoritaire. Personne n’ignore qu’ils se sont toujours détestés, mais ça a amusé la galerie pendant trois jours, comme le probable remplacement de Fillon par MAM ou Borloo (encore que dans ce dernier cas, l’insoutenable suspense a traîné, souvenez-vous, c’était il y a un an). Pendant ce temps, on a raté les débuts de l’OPA idéologique de la Droite populaire sur le groupe majoritaire à l’Assemblée, et bien d’autres choses si ça se trouve. Là, je ne sais pas ce qu’on rate, mais on ne devrait pas tarder à le voir apparaître façon Lettre volée lors du débat budgétaire. Peu importe, puisqu’on vous dit que Rachida est à cran et Devedjian pas content.
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