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Frères d’armes

« Sentinelle sud », le 27 avril


Frères d’armes
© Ufo Distribution

Malgré un scénario de polar tiré par les cheveux, il faut voir le beau « Sentinelle sud » de Mathieu Gérault, qui raconte la vie d’après des soldats engagés dans les opérations extérieures.


Revoilà Lafayette, Christian de son prénom. Un jeune vétéran mal remis du conflit afghan (le pauvre garçon reste incontinent) où lui et ses camarades ont été pris dans une embuscade – on n’en saura pas davantage. Pupille de la nation adopté puis élevé par un « grand-père » paysan, ce beau gosse au parcours chaotique s’était trouvé dans l’armée française une nouvelle famille et, sous l’emprise d’un commandant qui « n’abandonne jamais ses enfants » (sous les traits burinés du comédien mythique Denis Lavant), il se soumet de bonne grâce à l’autorité d’un père de substitution…

Pas du tout adapté à la vie civile, toujours en proie à une souffrance psychique incontrôlable, notre Lafayette reste fidèle à ses frères d’armes rescapés : un kabyle français durablement écartelé entre les deux rives de la Méditerranée (Sofian Khammes, qui joue fort bien du second degré et de la parodie), et Henri, un petit gars souffreteux que ses séquelles mentales ont conduit à l’hôpital psychiatrique, sous la garde d’une soignante « ergothérapeute » – c’est comme ça qu’on dit – (dans le rôle, India Hair, qu’on a pu voir tout récemment dans « En même temps », la dernière bouffonnerie du duo Kevern &  Delépine), enceinte ici d’un fouteur anonyme, et avec qui Christian s’essaiera à une liaison sans lendemain…

Sur cet imbroglio social se greffe une improbable dimension policière: soupçonnant un trafic d’opium sous le couvert des interventions de la troupe chez les autochtones, la « grande muette » se livre à enquête interne visant à déterminer les causes exactes de ce carnage suspect. Menacés par une bande de malfrats gitans privés de la cargaison attendue, notre héros, son pote et un comparse, pied nickelés peu aguerris en matière de cambriolage, tentent, pour rembourser la dette, une attaque de bijouterie qui n’a pas le succès escompté… Lafayette en réchappe in extremis, et parvient à se mettre à l’ombre. On ne déflorera pas la teneur de l’épilogue. Disons seulement qu’il lui fera renouer, dans un même mouvement, avec l’enfance et avec la mémoire du défunt grand-père…

Au-delà de l’invraisemblance absolue du scénario (car enfin, dans tout ça, que fait la police !), ce premier film étrange, composite et nerveux diffuse une poétique de l’amitié virile qui n’est pas sans aller droit au cœur. Mais surtout, à son épicentre, plus de dix ans après avoir croisé, dans « J’ai tué ma mère » et « Les amours imaginaires », l’immature cinéaste-acteur tellement tête-à-calques à force de narcissisme, son compatriote Xavier Dolan, le comédien franco-québécois Niels Schneider y campe avec un talent sans pareil cette « sentinelle », vigie de la haute camaraderie, à la fois brutale, instinctive et vulnérable: avatar de ce que fut dans son jeune âge un Pierre Schoendoerffer, pourvu comme lui de cette même gueule d’adolescent tardif mâtiné de mauvais ange précocement abîmé par la vie. Ainsi une intrigue mal couturée parvient-elle à tisser, sans afféterie, un beau drame humain servi par des acteurs impeccables.        

 « Sentinelle sud ». Film de Mathieu Géraud Avec Niels Schneider, Sofiane Khammes, India Hair, Denis Lavant, Thomas Daloz, David Ayala.  France, couleur. Durée : 1h38.  En salles le 27 avril.




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