Malgré les hommages larmoyants à Charlie, la liberté d’expression est sacrifiée sur l’autel du vivre-ensemble. De Paris à Québec, nos sociétés réintroduisent le délit de blasphème au nom du respect des minorités.
Il y aura quelque chose de gênant dans les commémorations de l’attentat contre Charlie Hebdo. On peut s’attendre à ce que les politiques comme les journalistes, d’une seule voix ou presque, célèbrent l’esprit Charlie, et multiplient les rodomontades sur les valeurs essentielles de la République. Ils se raconteront que, depuis cinq ans, ils n’ont cédé sur rien, et la France officielle se présentera comme le phare de l’humanité dans la défense de la liberté de l’esprit. On célébrera l’irrévérence du journal satirique en chantant son refus de se plier à la censure, quelle qu’elle soit. La France était le pays de la liberté intellectuelle et le demeurera ! Jamais elle ne cédera à l’intimidation. Charlie ! Charlie ! Charlie ! Tout le monde, à peu près, prononcera ce qu’on présentera comme un saint nom. La mise en scène, n’en doutons pas, se voudra émouvante. Pourquoi ne le serait-elle pas ?
Le lourd bilan de notre liberté d’expression
Seulement, personne n’y croira. Car il suffit de raconter l’histoire des cinq dernières années pour constater que loin d’entraîner un sursaut, l’attentat contre Charlie a compromis les réflexes vitaux de la société française. À moins qu’il n’ait tout simplement révélé, pour emprunter le vocabulaire de Soljenitsyne,
