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Martti Ahtisaari, prix Nobel de la quoi ?


Martti Ahtisaari, prix Nobel de la quoi ?

La secte des Imprononçables a encore frappé. Avec une habileté qui lui est coutumière et une discrétion si achevée qu’elle n’éveillera jamais les soupçons ni de Thierry Meyssan ni de Dan Brown. C’est une société secrète qui manœuvre au long cours pour porter au devant de la scène internationale des personnalités dont le patronyme doit être lu une vingtaine de fois avant d’être prononcé. Elle est composée d’anciens présentateurs de journaux télévisés réunis par une sournoise et mesquine idée de la vengeance. Au cours des dernières années, leur plus brillant coup fut assurément l’élection de la présidente islandaise, Vigdís Finnbogadóttir.

Aucun journaliste de la presse parlée et filmée ne sortit indemne de cette épreuve. Même à Reykjavik, le présentateur vedette de Stöð 2 trébucha sur le nom du nouveau chef d’Etat, sans jamais s’en relever. Comme aucun être sensé ne tenait à ce que le réseau hertzien mondial ressemblât à la salle d’attente d’un orthophoniste, on prit, sans se concerter, la sage décision de ne plus traiter aucune information d’origine islandaise. Durant les seize années du mandat de Vigdís Finnbogadóttir et alors qu’elle était la première femme élue démocratiquement à la tête d’un Etat, l’Islande disparut de la surface du globe médiatique.

Cette année, les Imprononçables sont parvenus à convaincre le Parlement norvégien d’attribuer le prix Nobel de la paix à Martti Oiva Kalevi Ahtisaari, dont le seul mérite demeure de n’avoir pas déclenché de troisième guerre mondiale alors qu’il était diplomate. Les admirateurs finlandais de notre nouveau prix Nobel voudraient bien qu’on reconnaisse à leur champion une autre qualité : avoir quitté les médiations auxquelles il participait en Bosnie en 1993 pour se lancer dans la campagne présidentielle finlandaise. Ils n’ont pas tout à fait tort au fan club de Martti Ahtisaari : faire passer sa carrière personnelle avant la résolution d’un conflit est une manière de concourir avec ardeur à la paix entre les nations.

Si, dans les années 1930, Aristide Briand et Gustav Stresemann avaient décidé de se consacrer à la vie politique de leur pays respectif au lieu de manigancer un hypothétique rapprochement franco-allemand, cela nous aurait peut-être épargné la deuxième Guerre mondiale. On sait à Stockholm et dans ses environs qu’un diplomate qui commence à vouloir s’occuper des relations entre les Etats est un va-t-en-guerre. Si vis pacem, para bellum. Le contraire est vrai aussi : si tu veux la guerre, prépare la paix. Cela, Martti Ahtisaari l’a compris et, n’ayant jamais voulu concourir par lui-même à la paix, il mérite comme nul autre ce Nobel.

Enfin, « comme nul autre » : il ne faut pas exagérer. Il a fallu l’intervention et les manigances discrètes des Imprononçables pour que Martti remporte son prix. Sinon, nul doute que le Nobel aurait été attribué à Ingrid Betancourt qui, elle aussi, a le mérite de n’avoir jamais rien fait pour la paix dans le monde.

Las, les Imprononçables sont les plus forts. La déception est amère à la Fédération internationale des Comités Ingrid Betancourt : « C’est une très mauvaise nouvelle », a même déclaré leur responsable lorsqu’il a appris que c’était l’autre nase de Finlandais qui avait été choisi. Un type totalement inconnu et absolument pas télégénique.

Nous n’avons pas le droit de désespérer Betancourt, comme le disait Sartre ! Dans le grand et finnois malheur qui s’abat sur eux, il reste à ses supporters un pis-aller. Aller faire le siège d’Edmonde Charles-Roux en hurlant à ses octogénaires oreilles : « Le Goncourt pour Betancourt ! »

Photo de Une : Martti Ahtisaari au Forum de Davos en 2000, World Economic Forum, flickr.



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Née à Stuttgart en 1947, Trudi Kohl est traductrice, journaliste et romancière. Elle partage sa vie entre Paris et le Bade-Wurtemberg.

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