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Martin Hirsch, une chance pour la France


Martin Hirsch, une chance pour la France
Martin Hirsch veut qu'on l'appelle Mohammed.
Martin Hirsch
Martin Hirsch veut qu'on l'appelle Mohammed.

Je l’avoue, cette déclaration de Martin Hirsch m’avait totalement échappé. Et elle n’a guère intéressé les habituels traqueurs de dérapage, sans doute parce qu’ils n’y ont pas vu le moindre dérapage. Elle est pourtant stupéfiante : le fils spirituel de l’abbé Pierre a trouvé la solution au casse-tête de l’intégration qui hante la société française. C’était le 1er juillet sur Canal +. «  La vraie intégration, c’est quand des catholiques appelleront leur enfant Mohamed », a affirmé l’ex-Haut-Commissaire aux solidarités actives – il paraît qu’il tenait beaucoup à ce qu’on ne le traite pas de ministre, il doit trouver ça plouc ou pire, d’être ministre de la République.

C’est ce qui s’appelle marcher sur la tête. Hirsch prône l’assimilation mais à l’envers. Ce sont les « anciens » Français qui doivent s’assimiler aux « nouveaux ». On ne demande plus aux derniers arrivés de faire comme les Romains à Rome. En revanche, les Français catholiques, également dits « Gaulois », sont sommés d’adopter les usages de leurs concitoyens. En clair, pour être parfaitement accueillante, la France doit cesser d’être la France et ressembler aux pays d’origine de ses citoyens issus de l’immigration dont beaucoup, du reste, n’en demandent pas tant. Drôle d’idée. Comme si émigrer consistait à trimballer son univers avec soi, à ne rien changer à son mode de vie et de penser. Du reste, des milliers de musulmans appellent leurs enfants Philippe, Kevin ou Kangoo, et c’est très bien – Kangoo, je vous le concède, on peut discuter. Et il est aussi très bien que d’autres préfèrent transmettre, avec les prénoms, un peu de la terre des ancêtres. En attendant, ils ne sont pas venus en France pour y recréer la casbah d’Alger ou le bled du Maroc, mais parfois, pour y échapper. En tout cas pour vivre ailleurs. Autrement.

La France, un vieux pays qu’il faut rééduquer ?

Seulement, voilà. Pour Martin Hirsch, la France n’est pas une terre d’accueil – et l’une des plus généreuses qui soit – mais un vieux pays cramponné à son passé criminel qu’il faut rééduquer. En commençant par les enfants. Curieuse conception pour un serviteur de l’Etat. Et inquiétante quand on sait qu’il est responsable du nouveau service civique. Je n’ai pas pour habitude de demander que des têtes tombent, mais, compte tenu de sa responsabilité, on pourrait au moins lui demander de faire attention à ce qu’il dit.

Le plus grave est que, sans même s’en rendre compte, Hirsch qui devrait avoir un point de vue universaliste et refuser de distinguer les citoyens en fonction de leur appartenance, se place sur le terrain de la compétition religieuse. Car Mohammed n’est pas n’importe quel prénom arabe et il le sait, c’est celui du Prophète. D’ailleurs, il ne lui est pas venu à l’idée d’inviter des juifs et des musulmans à appeler leurs mômes Jésus ou Christian – et heureusement. Ce ne sont pas les croyances qui minent la République mais leur exhibition dans l’espace public. Le prénom que l’on donne à ses enfants relève de la vie privée.

Mais Hirsch n’a pas seulement trouvé la solution, il a trouvé les coupables. Si on le comprend bien, ce qui ne va pas en France, c’est que les catholiques continuent à être catholiques ou, plus précisément, qu’ils ne deviennent pas musulmans. On peut appeler sa fille Leïla par goût de l’altérité, mais on n’appelle pas son fils Mohammed si on n’est pas musulman. Bon, perso, il ne fait pas grand-chose pour l’intégration, lui dont les filles portent de jolis prénoms qui fleurent la douce France. Qu’il me pardonne cette très légère intrusion dans sa vie privée, mais je ne trouve pas ça très catholique.

En attendant, rendons-lui grâce, car il a bel et bien trouvé la clé de l’intégration : la conversion. Il suffisait d’y penser.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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