Plus de 80% de Français vaccinés n’ont pas freiné la circulation du virus. Pour le médecin de santé publique et épidémiologiste, il est donc illusoire d’espérer que la stratégie du tout vaccinal arrêtera les contaminations. On peut en revanche empêcher les formes graves, donc la saturation hospitalière, en protégeant les plus exposés. La solution: vacciner 100 % des vieux, autoritairement si besoin, laisser les jeunes se contaminer et surtout, arrêter de pourrir la vie des enfants.
Causeur. Bien que les Français soient l’une des populations les plus vaccinées d’Europe, cette énième vague ne nous épargne pas. Que faut-il en conclure ?
Martin Blachier. Que le vaccin n’empêche pas la circulation du virus, sinon avoir vacciné 90 % de la population éligible aurait stoppé sa propagation. Nous y avons cru, mais c’est un mythe. On le sait depuis juillet 2021, grâce aux données israéliennes. Mais cette réalité n’a toujours pas infusé dans le cerveau des décideurs, qui ne semblent pas encore avoir compris que leur stratégie, fondée sur l’idée d’une large vaccination pour arrêter le virus, n’était pas la bonne. Par ailleurs, on a également appris que de nouveaux variants, qui se développent notamment chez les personnes immunodéprimées, résistaient mieux aux vaccins que les anciens. Enfin, on sait désormais que l’immunité conférée par les deux premières doses des vaccins ARN a une durée relativement limitée (entre trois à six mois), d’où la nécessité du rappel. Certains pensent que l’efficacité de la troisième dose sera également limitée. Sur ce point, rien n’est sûr. En revanche, ce qui est certain, c’est que les vaccins protègent contre des formes graves, en aucun cas contre la contagion. Quel que soit le nombre de doses, on n’arrivera pas à stopper la circulation du virus.
Les mesures barrières sont-elles efficaces ?
C’est une très bonne question. Elles n’ont probablement pas de sens si elles sont associées à une vaccination intensive : pourquoi soumettre toute la société à des contraintes faites pour empêcher la propagation du virus au sein d’une population âgée non protégée ? En même temps, ces mesures permettent de limiter une vague d’hospitalisation quand la population n’est pas vaccinée.
Venons-en à la stratégie du gouvernement. Pendant les premières vagues, les mesures restrictives étaient prises sur la base d’un seul critère, la saturation hospitalière. Aujourd’hui, on nous parle de taux d’incidence et de nombre de cas, c’est-à-dire de circulation virale, critère inopérant si on vous suit. J’en déduis que le gouvernement se trompe dans les grandes largeurs…
Attention, si la circulation du virus ne gêne pas en tant que telle, il faut se demander quel sera son impact sur les hôpitaux et lorsqu’un variant apparaît, on ne le sait pas. S’agissant d’Omicron, au moment où nous parlons (22 décembre), nous ne sommes pas encore certains de sa moindre virulence, même si les dernières données sont rassurantes, donc nous ignorons si sa propagation rapide entraînera un accroissement des cas nécessitant un traitement plus ou moins lourd à l’hôpital. Donc, on restreint les libertés de tout le monde, dans l’éventualité où les hypothèses les plus pessimistes seraient les bonnes.

Lors de la première vague, malgré les prophéties apocalyptiques de beaucoup de médecins, l’hôpital n’a pas craqué, on n’a pas « trié » les malades. A-t-on joué à se faire peur ?
Soyons clairs : si à l’époque,
