Le 20 février 2011, il y a un an tout juste, des manifestations conçues sur le modèle de ce qui se passait alors en Tunisie et en Égypte avaient lieu dans certaines grandes villes du Maroc. Réunissant une coalition hétéroclite de chômeurs diplômés impatients d’entrer dans la fonction publique, d’internautes manipulés, de militants gauchistes et d’ultra-fondamentalistes religieux, elles semblaient vouloir tout renverser. Pourtant, dans un royaume où la situation n’a rien à voir avec celle des républiques gérontocratiques voisines, le succès des manifestations reste très limité – quoi qu’en disent certains observateurs occidentaux, qui rêvent de voir le printemps arabe enflammer l’ensemble du Maghreb et ainsi booster l’audimat. Mais malgré cet impact en demi-teinte – quelques dizaines de milliers de manifestants sur l’ensemble du royaume -, un « Mouvement du 20 février » se constitue, qui prétend fédérer tous les mécontents, tous les opposants à une royauté qualifiée pour l’occasion de dictature ou de monarchie absolue.
Cependant, malgré l’assistance de certains médias étrangers, la mayonnaise ne prend pas. Le Roi, qui depuis son intronisation en 1999 n’a cessé de multiplier les réformes libérales (statut de la femme, des partis politiques, renforcement des garanties des droits de l’homme, réconciliation nationale, développement humain, régionalisation,), parvient sans peine à prendre de vitesse les activistes du 20 février en annonçant, dans un discours du 9 mars, la préparation d’une nouvelle constitution visant à parachever l’État de droit dans le cadre d’une monarchie parlementaire rénovée. Rédigé en quelques mois par un comité d’experts au-dessus de tout soupçon, après consultation des partis, des groupes syndicaux et du monde associatif, le projet de loi constitutionnelle est présenté aux Marocains le 17 juin par le Roi lui-même.
« La Constitution marocaine, souligne alors ce dernier, sera une Constitution des droits de l’Homme, un véritable pacte des droits et des obligations de la citoyenneté ». Et de fait, les droits fondamentaux y sont omniprésents, non seulement dans le (long) titre 2, qui leur est expressément consacré, mais aussi dans le Préambule ou dans les titres 1er, 7 (Du pouvoir judiciaire), 8 (De la Cour constitutionnelle), et 9 (De la bonne gouvernance), ou encore, dans l’article 175, qui dispose qu’aucune révision « ne peut porter sur les acquis en matière de libertés et de droits fondamentaux inscrits dans la présente Constitution », ce qui situe ces derniers sur le même plan, intangible, que « les dispositions relatives à la religion musulmane » ou « la forme monarchique de l’Etat ».
La constitution sera finalement adoptée par référendum le 1er juillet. Le « Mouvement du 20 février », appelant à cette occasion à une grève des urnes, avait escompté une abstention massive, qui confirmerait l’opposition populaire à des réformes jugées infiniment trop tièdes pour être acceptables : en fait, la participation sera historique, plus de 75 %, de même qu’elle restera très élevée le 25 novembre lors des élections législatives – avec presque 9% de plus qu’au précédent scrutin. Ces élections dûment contrôlées par des observateurs étrangers, qui n’y trouveront d’ailleurs rien à redire, placeront en tête un parti islamiste modéré jusqu’ici dans l’opposition, le Parti de la justice et du développement.
Après la désignation d’un gouvernement dirigé par le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, le « Mouvement du 20 février » tente de se rappeler au bon souvenir des Marocains, des réseaux sociaux et des médias occidentaux. Las : le 25 décembre, ils ne réunissent que quelques milliers de manifestants à Casablanca, et, selon l’AFP, pas plus de 400 personnes dans la capitale, Rabat. Les Indignés ne font plus recette.
Il ne leur reste alors plus qu’un seul espoir : faire du premier anniversaire des manifestations « fondatrices » de 2011 un événement d’ampleur nationale, susceptible de relancer une machine contestataire manifestement grippée. Et montrer, de la sorte, que le Roi et le peuple ne sont pas allés assez loin. Caramba, encore raté ! Selon certaines sources, notait le site de Libération, « les manifestants étaient en début d’après-midi au nombre d’un millier dans tout le pays, où le Mouvement du 20 février avait appelé à la mobilisation à la veille de cet anniversaire. » « Nous préférons être 200 avec des revendications précises et claires plutôt que des dizaines de milliers porteurs de messages ambigus », a indiqué à l’AFP un des responsables du mouvement, Ahmad Mediany, apparemment résigné. Deux cent sur environ 33 millions de Marocains ? Au soir du 20 février 2012, on sait que le peuple a sifflé la fin de la partie. Et que le Maroc peut passer à autre chose.
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