Par qui aurais-je aimé être dévoré ou incendié ? À cette question, Michel Marmin répond instantanément : par Louise Brooks. Son magnétisme sexuel est irrésistible. Elle happe votre corps. Elle vous ramène aux sources du vivant. Selon moi, ajoute Michel Marmin, dans la vie comme au cinéma, la femme originelle est plutôt brune, plutôt mince, la peau quasi translucide, comme de la porcelaine, le regard que l’on ne peut longtemps soutenir sans défaillir. Par quel étrange tour du destin, me suis-je alors demandé, cette « femme originelle » (l’expression est de Raymond Abellio ) a-t-elle choisi de s’installer chez moi et de me dévorer : je n’en sais toujours rien. Et, à vrai dire, je ne tiens pas à le savoir.
Merci les Mac-Mahon!
En revanche, je suis fasciné par les entretiens que Michel Marmin a donnés à Ludovic Maubreuil : j’y retrouve mes années d’apprentissage en cinéphilie, les films que j’ai aimés, certains maîtres qui m’ont formé – Henri Agel, par exemple – et même des metteurs en scène qui, avec les années, sont devenus des amis comme Pascal Thomas. Le Mac-Mahonisme aussi, bien sûr, dont on ne dira jamais assez l’importance… Merci Michel Mourlet, Alfred Eibel et Jean Curtelin.
On se souvient peut-être qu’à ses débuts Jean-Luc Godard était désigné par George Sadoul et Freddy Buache comme un fasciste à abattre. Aujourd’hui, Michel Marmin se demande si les vieux staliniens n’avaient pas raison, à condition de s’entendre sur les mots. » Des films tels que À bout de souffle, Le Petit Soldat » et Pierrot le fou relèvent bel et bien du fascisme par leur romantisme morbide et leur mépris de la vie bourgeoise, par leur insolence, par leur dédain de la raison. » Marmin avait même esquissé dans sa chronique du Figaro un parallèle entre Godard et Ezra Pound.
Inconditionnellement godardien
Or, non seulement Godard ne l’a pas démenti, mais lui a donné quitus dans une lettre quelques jours plus tard. On comprend que par la suite Marmin soit devenu inconditionnellement godardien au point d’écrire que le jour où Godard disparaîtra , ce sera un peu la fin du monde et du cinéma. J’aurais plutôt tendance à penser que la fin du cinéma remonte à Rio Bravo de Howard Hawks. C’est l’un des bonheurs de ces entretiens avec Michel Marmin que de pouvoir poursuivre des conversations qui finissaient souvent en pugilats (je me souviens avoir giflé un spectateur qui troublait la projection d’Hiroshima, mon amour). C’est toute une culture qui renaît à la lecture de Marmin.
Encore un dernier point : il est convenu aujourd’hui que le populisme est abject. Michel Marmin qui n’est pas né de la dernière pluie, rappelle à juste titre que des films tournés dans les années soixante en France étaient des chefs d’œuvre de populisme cinématographique. Il cite à cet égard, outre les premiers films de Pascal Thomas, Adieu Philippine de Jacques Rozier sorti en 1963 qui est ou devrait être encore dans toutes les mémoires.
Marmin avoue même revoir avec plaisir une comédie comme : Papa, maman, la bonne et moi de Jean-Paul Le Chanois avec Robert Lamoureux. Il ne va quand même pas jusqu’à réhabiliter Jean Boyer… Dommage !
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