Accueil Culture Mark Twain, l’enfance perdue de l’Amérique

Mark Twain, l’enfance perdue de l’Amérique


À travers Huckleberry Finn, ancien élève de l’école buissonnière et figure plus complexe qu’il n’y paraît, Twain s’en prend à une Amérique qui ressemble souvent à s’y méprendre à sa caricature. Accompagné de Jim, l’esclave noir en fuite qui rappelle que cet Eden n’en est pas vraiment un, Huck entreprend un long voyage-évasion. S’il sait dès le départ tout ce qu’il faut vraiment savoir pour survivre dans la nature, il lui faudra encore apprendre à survivre parmi les hommes.

Quant au genre de connaissances dont les bonnes âmes féminines essaient de lui bourrer le crâne dans le vain espoir de le siviliser, comme il dit, elles ne l’intéressent guère. Au cours de leur périple sur un radeau descendant le Mississipi au gré du courant, l’existence paisible des deux fuyards est en permanence menacée par l’irruption de la « civilisation » – du monde des adultes. Cupidité, cruauté, violence, hypocrisie et stupidité hantent les petites villes plantées le long du grand fleuve, tandis que le « Roi » et le « Duc », deux escrocs qui paraissent avoir importé d’Europe toutes les turpitudes imaginables, imposent leur douteuse compagnie aux deux héros.

Si quelques individus demeurent capables de se dresser contre le groupe, la collectivité rassemblée devient facilement une meute oscillant entre crédulité stupide et fureur meurtrière. Le lynchage, comme la tempête, est toujours à craindre. Les planches immaculées de la palissade peuvent se muer en instruments d’une justice populaire sommaire et cruelle : le « Roi » et le « Duc » termineront ainsi leur existence couverts de goudron et de plumes, assis à califourchon sur un poteau de clôture. À la fin du voyage, les héros ont perdu leur enfance et l’Amérique son innocence.

PS : Les Aventures de Tom Sawyer et celles de Huckleberry Finn, ont connu pas mal de mésaventures en langue française. La première traduction française préparée par William Little Hughes (employé du ministère de l’Intérieur) et publiée en 1884 est plutôt une adaptation qui doit permettre d’intégrer les romans de Twain à la liste des prix remis aux bons élèves. Même chose avec la traduction de Geneviève Méker (à qui l’on doit aussi des traductions d’Emily Brontë) dans les années 1960. La dernière traduction intégrale, celle de Jean Muray, le père de Philippe, datait de 1963. Bernard Hœpffnner, à qui l’on doit les présentes traductions, a relevé avec bonheur le défi considérable représenté par l’entrelacement des couches linguistiques et humoristiques de Twain.

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Novembre 2008 · N°5

Article extrait du Magazine Causeur



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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