Les Européennes approchent et c’est pour Valérie Hayer, candidate Renaissance créditée de seulement 19% des intentions de vote, le moment de passer à la vitesse supérieure dans la conduite de sa campagne électorale. Aussi débattait-elle hier soir sur CNews face à Marion Maréchal. Compte-rendu du duel entre deux femmes qui assument leurs idées.
Il lui faut désormais renoncer à la potacherie : il n’est plus temps pour elle de faire du porte-à-porte avec le facétieux Gabriel Attal. Valérie Hayer doit également oublier les chaleureuses rencontres avec les rugbymen et ne plus songer à se faire lustrer l’escarpin par nos amis de Quotidien. La candidate d’Emmanuel Macron l’a bien compris, c’est pourquoi elle a accepté de débattre avec la championne de Reconquête, Marion Maréchal. 7 % des intentions de vote sont attribuées à celle que Valérie Hayer voit comme « l’extrême-droite avec un sourire et la jeunesse, mais qui n’en reste pas moins l’extrême-droite ».
Choisis ta France
Deux femmes : deux visions de la France au sein de L’Europe. Pour Valérie Hayer la France doit être l’un des rouages d’une Europe gérée par des technocrates et conçue comme un laboratoire de la mondialisation heureuse et de la multiculturalité. Marion Maréchal, elle, propose une France souveraine et identitaire au sein de l’Europe. Comme pour symboliser la confrontation de deux projets, aussi inconciliables qu’irréconciliables, et peut-être pour préparer au stendhalien « coup de pistolet au milieu d’un concert » qui pourrait avoir lieu lors de ce face à face potentiellement explosif, les deux animatrices chargées de l’orchestrer ont opté pour le rouge et le noir : un tailleur rouge pour la blonde Laurence Ferrari ; un tailleur noir pour la brune Sonia Mabrouk. Si la poudre n’a finalement pas parlé, l’affrontement des deux têtes de liste n’en a pas été moins passionnant[1].
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La divergence des deux représentations de la France proposées est perceptible tant sur le fond que dans les mots employés. Valérie Hayer, pour désigner d’abord « l’ensauvagement », a la parole coincée, fuyante, et allusive : il s’agit de tourner autour de la réalité, sans jamais l’effleurer, comme pour l’occulter. Il n’y a pas vraiment « d’ensauvagement », essaye-t-elle de nous dire; juste un peu de violence propagée par les réseaux sociaux. L’école de la République, bien sûr, doit demeurer « un sanctuaire » et on va envoyer dans les établissements scolaires des « brigades dédiées » afin de rétablir l’ordre quand il le faut. D’islamisme, il n’est pas question. Marion Maréchal, elle, ne craint pas de manier l’hyperbole que le réel, du reste, impose. Elle parle sans s’émouvoir « d’effondrement de l’école » et de « gangrène islamiste qui subvertit notre jeunesse. » Au sujet de l’agriculture, Valérie Hayer « assume » – comme Emmanuel Macron, elle affectionne ce verbe – de dire qu’il « faut plus d’Europe. » Elle précise que les agriculteurs sont « les premiers acteurs d’une transition verte » que seule l’Europe est « en capacité » d’accompagner. Marion Maréchal, elle, évoque justement des paysans emportés par un « tsunami de taxes » et assujettis à la concurrence déloyale des produits étrangers.
Péril imminent: surtout pas d’accord
Sur le principal danger qui pèse sur la France, les candidates ne sont pas non plus d’accord. Pour Valérie Hayer, la Russie et Poutine menacent la France et son salut passera par la seule victoire de l’Ukraine. Pour Marion Maréchal, le vrai péril réside dans l’islamisme. Si elle souhaite aider l’Ukraine, elle refuse de mettre en danger une France incapable de mener une guerre de haute intensité face à la Russie. « Vous jouez à la guerre comme aux Playmobil » lance-t-elle à la sectatrice d’Emmanuel Macron. Valérie Hayer promet aussi qu’une fois le Pacte Asile et Migration signé, il n’y aura plus de Lampedusa ni de Jungle de Calais : « Nous pourrons alors continuer à accueillir dans la dignité comme nous avons vocation à le faire. » Nous voilà rassurés… Marion Maréchal gâche un peu la fête en se montrant dubitative eu égard au faible nombre d’OQTF jusqu’alors exécutées. Elle précise qu’il s’agit plutôt ici d’imposer aux Français des populations qu’ils ne souhaitent pas forcément voir s’implanter dans leur pays ; tout ça pour que soient livrés des sushis au quinoa à quelques bobos hors-sol.
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Face au manque de main d’œuvre dans « les secteurs en tension », Marion Maréchal préconise de remettre les Français au travail tout en les payant correctement plutôt que d’exploiter une main d’œuvre étrangère. Valérie Hayer conclut l’échange « en assumant » de voter pour le Pacte Asile et Migration afin de trouver une réponse aux défis migratoires à l’échelle européenne. Elle « assume » jusqu’au dérèglement climatique, et se propose d’aider les agriculteurs à faire de même. Elle « assume » enfin de dire que « c’est en Européen qu’on sera compétitif sur tous les plans ». « Nous avons besoins d’Europe », résume-t-elle, magistrale. Marion Maréchal, elle propose, en votant Reconquête, de battre Emmanuel Macron au parlement européen et de défendre ainsi notre civilisation.
Qu’on aime ou qu’on n’aime pas Marion Maréchal, force est de constater qu’aux discours filandreux, elle sait opposer un verbe tranchant. Georges Clémenceau lui donnerait toutefois un conseil pour parfaire ses futures prises de paroles : « Pourquoi ne pas comprendre au moins une fois, que la parole n’est pas aussi rapide que la pensée et que tout ce que l’on trouve dans l’esprit ne peut se convertir en paroles ? Comprendre que l’on peut aussi parler par gestes. Que le silence… parfois devient un cri. »
[1] https://www.cnews.fr/emission/2024-04-08/valerie-hayer-marion-marechal-le-face-face-1480221
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