Décidément, la présence de Marion Maréchal-Le Pen à l’université d’été catholique du diocèse de Toulon n’est pas du goût de tous les catholiques. De nombreux membres du corps épiscopal sont déjà montés au créneau pour fustiger ce qu’ils considèrent comme une dérive quand éditorialistes et commentateurs avertis se succèdent pour s’élever publiquement contre cette invitation à rebours des positions de l’Eglise de France. Avec eux et pour eux, une litanie d’arguments censés sceller définitivement ce que d’aucuns avaient voulu voir comme un rapprochement du Front national avec l’électorat catholique. Rejet de l’étranger, refus de l’accueil de l’autre, conception de la société renfermée sur la peur sur fond de programme peccamineux qui se heurterait à la vision que l’Évangile entend défendre. Il n’en fallait pas plus aux exégètes de tout bord pour s’accorder, bien que dépourvus de toute prérogative en la matière, sur l’excommunication latae sententiae de la jeune députée. Et l’étrillage ne semble plus vouloir s’arrêter. Une quinzaine de la haine pour celle qui, faut-il le rappeler, n’a pas été appeler à prêcher en chaire mais à confronter ses idées à la doctrine sociale de l’Eglise.
D’une bataille picrocholine, Rabelais n’aurait peut-être pas fait mieux. Car de quoi s’indigne-t-on au juste, sinon du constat pour le moins basique qu’un parti politique de premier plan n’a pas choisi l’Evangile comme matrice de son programme. Et il faudrait dès lors cesser le dialogue alors même que celui-ci s’inscrit dans la mission de l’Eglise, à plus forte raison et avec encore plus de sens lorsque ce dialogue nous est difficile. À l’instar d’un Saint-Just refusant la liberté pour les ennemis de la liberté, l’Eglise de France semble vouloir exclure ceux qu’elle accuse d’exclure. Sans jamais, d’ailleurs, appliquer la même indignation aux autres représentants du personnel politique, peu suspects de grenouiller dans les bénitiers. On voudrait rire de cette parfaite comédie antifasciste dans laquelle l’Eglise de France, d’habitude bien silencieuse, semble tant s’aimer d’aimer les autres, sauf – bien entendu- celle par qui le scandale arrive.
Dans un discours prononcé devant le Parti populaire européen le 30 mars 2006, le pape Benoît XVI rappelait trois points non négociables par l’Église et les catholiques dans leurs rapports avec les responsables politiques : la protection de la vie à toutes ses étapes ; la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage ; la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants. Quel parti politique, aujourd’hui en France, peut-il prétendre à cela ? L’Eglise de France s’est-elle pour autant refusée au dialogue ?
Il faut comprendre l’émotion voire la colère de certains fidèles nous explique donc René Poujol, tout en constatant que les récents débats sociétaux ont accentué la radicalisation de la droite catholique. Et notre confrère de rappeler jusqu’à la caricature les positions traditionnalistes de la députée du Vaucluse, n’hésitant pas à titrer sur le nom de celle-ci, comme s’il s’agissait d’un ultime clin d’œil d’une vivante à un mort que la mémoire nationale voue aux gémonies. Mais il y a plus grave pour René Poujol. L’initiative de Monseigneur Rey apporterait une caution officielle au Front national. Comme si l’on pouvait amalgamer l’homme d’Eglise et ceux avec qui il s’entretient. Comme si l’on ne pouvait distinguer le confesseur et le confessé. Comme si l’on pouvait confondre l’initiative d’un évêque de Rome qui ouvre le dialogue sur des sujets délicats et un satisfecit en bonne et due forme de ces pratiques controversées. Comme si, finalement, l’on pouvait dire : « Je suis quelqu’un pour juger ».
L’Eglise de France ne doit pas battre sa coulpe. Sa vocation n’est pas d’entériner une quelconque morale politique mais de dire sa vérité à ceux qui nous gouvernent ou sont appelés à le faire. Car c’est ainsi que Zachée descend de son arbre. Car c’est ainsi que Marie-Madeleine prend la suite du Christ. Car « Il accueille des pécheurs et mange avec eux ! ». Sous les cris d’orfraie des pharisiens, des grands prêtres et des scribes. Sous la hargne de « républicains » qui s’honoreraient à reconnaître qu’ils ne sont que d’humbles publicains.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00721890_000016.
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