Comment contenir la poussée du FN après les régionales


Comment contenir la poussée du FN après les régionales

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Pour les régionales, la parole est aux électeurs. Et après ?

La première chose à faire, et qui n’est jamais vraiment faite, serait d’exposer les points du discours et du programme de Marine le Pen qui  rendent son parti infréquentable par les républicains et les démocrates. Si les quelques points qui composent la ligne rouge séparant notre démocratie de ses ennemi étaient écrits noir sur blanc, ils mettraient Marine le Pen au pied du mur, et, au cas où elle se positionnerait du mauvais côté de cette ligne rouge, il deviendrait facile de dénoncer le danger que son parti fait courir à la démocratie et à la République, et de convaincre ainsi la partie saine de son électorat.

Si, par contre, elle se positionnait clairement et franchement du bon côté, il deviendrait difficile de la rejeter au nom d’un procès d’intention. Mais l’énoncé de cette ligne rouge concernant les fondements de notre société reste à faire.

Quelle que soit la façon dont Marine le Pen se situerait sur les principes fondamentaux de notre société, parmi les autres raisons qui inclinent un fort pourcentage d’électeurs en faveur du Front national, il en est de légitimes, qu’il faut reconnaître sans se pincer le nez.

C’est pourquoi il faut conjuguer vis-à-vis d’elle deux approches contradictoires, mais jamais, je dis bien jamais, l’une sans l’autre.

La première approche consiste à reconnaître ce que Marine Le Pen dit de vrai, avec souvent plus de force et de clarté que les autres responsables politiques, parce qu’elle est la moins inhibée de tous par le politiquement correct. Dans ses interventions d’après le 13 novembre, elle s’est singularisée en appelant l’ennemi par son nom : l’idéologie islamiste qui est terroriste dans ses moyens et  totalitaire dans son objectif. Et elle en a profité pour dénoncer ceux des responsables politiques qui ne s’autorisent toujours pas à désigner l’ennemi islamiste par son nom, pour la raison que ce mot en –isme a le mot islam pour radical. Il faut bien admettre que sur ce thème, elle a marqué un point sur la concurrence, et que c’est à celle-ci de rattraper son retard. C’est cela le bon usage de Madame Sans-Gêne.

L’islam est malade de sa difficulté à s’adapter à la modernité démocratique.

On doit aussi reconnaître qu’elle prend soin de ne pas confondre l’ensemble des musulmans avec les islamistes : Marine Le Pen rejette clairement cet amalgame, lequel n’est d’ailleurs pratiqué par aucun parti, et n’existe que parce qu’il est agité comme un épouvantail sous la pression des islamistes et de leur relais à gauche et même à droite.

Il faut même lui donner raison quand elle refuse de passer de « pas d’amalgame » à « il n’y a pas de rapport  entre l’islam et l’islamisme ». Car la vérité est qu’il  y a évidemment un rapport, ou plutôt différents rapports, entre l’islam – qui est une religion, une culture et souvent une identité – et l’islamisme qui veut imposer au monde entier l’islam archaïque par la terreur. Ce qui fait passer les islamistes de l’un à l’autre n’est pas un pur contresens sur le Coran, sa perversion ou son détournement. L’islamisme est une maladie de l’islam, dont ce dernier ne pourra se guérir que par une réforme portant sur certains de ses principes fondamentaux. L’islam est malade de sa difficulté à s’adapter à la modernité démocratique.

On ne peut pas non plus rejeter entièrement ce que dit Marine le Pen sur le problème posé à la France et à l’Europe par l’immigration musulmane, étant donnés son ampleur et son rapport difficile à la modernité démocratique. Reconnaître la difficulté de cette intégration, au niveau statistique, permettra d’en parler et d’agir à son égard de façon rationnelle, positive et sans hystérie.

Faire l’effort de reconnaître qu’on est d’accord avec Marine le Pen sur ces constats est évidemment la seule façon de prouver qu’elle n’en a pas le monopole, que les autres partis ne sont pas moins déterminés qu’elle à nommer l’ennemi et à le combattre, chez nous et au-dehors, et que les désaccords avec elle commencent après ces constats communs.

La seconde démarche qui s’impose est contradictoire à la première et elle est complémentaire.

Elle consiste à attaquer le Front national sur tous les points où il a gravement tort, et d’abord, selon moi, sur la promesse souverainiste d’une France protectionniste à tous crins, et qui n’aurait magiquement plus de problèmes d’aucune sorte pour peu qu’elle chasse ses dirigeants et qu’elle quitte l’Europe et le marché mondial. Une France qui n’aurait même plus besoin de réduire ses déficits, simplement parce qu’elle se serait retirée de cette Europe qui lui impose une politique d’austérité ! Une France qui appliquerait les recettes sociales qui ont fait gagner la gauche en 1981 et 2002 et à cause desquelles la gauche de gouvernement a dû retourner sa veste en 1983 et en 2014.

Aussi tragique que soit la situation à laquelle ils veulent échapper, les musulmans ne sont pas les juifs d’hier.

Si donc l’on veut faire barrage à l’ascension résistible du Front national, trois conditions s’imposent.

La première est d’apporter les preuves que les partis non-lepénistes luttent résolument et efficacement contre l’ennemi islamiste en France, et à l’étranger, et en particulier grâce à l’Europe. Par exemple, qu’ils entendent profiter urgemment de l’état d’urgence pour reconquérir les quartiers où les dealers et les islamistes font la loi, sans oublier de donner aux enseignants la mission et les moyens de gagner leurs élèves à la culture française.

La deuxième exigence est que les partis non-lepénistes affrontent les problèmes complexes et difficiles posés par la perspective d’une immigration musulmane massive en Europe, sans se laisser  aveugler par la mauvaise conscience, c’est-à-dire sans se tromper d’époque et d’immigrants : aussi tragique que soit la situation à laquelle ils veulent échapper, les musulmans ne sont pas les juifs d’hier. Ils ne sont pas une minorité en voie d’extermination ; ils ne sont pas une goutte d’eau dans la démographie des pays d’accueil ; ils ne sont pas statistiquement aussi intégrables que l’ont été toutes les immigrations précédentes.

La troisième condition est de reconnaître et d’assumer sans barguigner le fait qu’un large accord existe en France entre les deux partis de gouvernement, le PS et les Républicains, sur la base du consensus idéologique, culturel et politique qui constitue le socle de l’Europe. Ce socle est issu des leçons de la seconde guerre mondiale, de la fin du nazisme et du communisme. Cette Europe-là est un espace démocratique et libéral à préserver plus que jamais. Cela implique que ces deux partis, dont la dualité est nécessaire au jeu de l’alternance, cessent de se déconsidérer réciproquement et définissent les bases de leur accord face au FN. Lequel FN aura alors à se prononcer sur les principes et les valeurs affirmés dans cet accord. Devraient faire partie de cet accord la condamnation de la xénophobie, c’est-à-dire le refus de toute discrimination et du deux poids deux mesures, pour quelque raison que ce soit : en particulier, le fait que toutes les religions soient traitées à égalité.

Cela fait, il ne restera plus qu’à se battre clairement contre l’avenir proposé par Marine Le Pen, et par les autres souverainistes de France et d’Europe, projet contre projet, en démontrant que si le programme du FN était mis en application, il mènerait à la catastrophe. Non parce qu’il ne serait pas républicain ou démocratique, mais parce qu’il consiste à faire machine arrière toute, à refermer les portes, comme si le destin de la France était de se constituer sur le modèle du camp retranché d’Astérix, isolé et résistant à l’Europe et au monde.

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00732989_000027.



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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