Accueil Politique Marine Le Pen, les citoyens et les analystes…

Marine Le Pen, les citoyens et les analystes…

Le billet politique de Philippe Bilger


Marine Le Pen, les citoyens et les analystes…
10 juillet 2024 © Tom Nicholson/Shutterstock/SIPA

Les éditorialistes nous disaient ces derniers jours que Marine Le Pen s’était fait hara-kiri en votant la mention de censure du gouvernement avec les LFIstes. Un sondage d’opinion effectué après le vote de la censure montre au contraire qu’elle creuse l’écart et se placerait nettement devant ses adversaires si l’élection présidentielle se tenait dimanche. Mme Le Pen a déclaré à Télématin: « Je pense que les responsables politiques et les commentateurs devraient être prudents dans leurs analyses (…) Il ne faut pas qu’ils prennent leurs rêves pour la réalité ».


Un sondage Fiducial / Sud Radio / Figaro Magazine fait après la motion de censure, place Marine Le Pen au premier tour de la future élection présidentielle, avec 36 % face à Édouard Philippe qui serait à 25 % ; et à 38 % devant un Gabriel Attal à 20 %.

Les politologues désavoués

Nous sommes encore loin de 2027 mais ce sondage est éclairant pour peu que les bouleversements et les incertitudes politiques ne conduisent pas le président de la République à jeter l’éponge avant l’heure. Même s’il l’a totalement exclu récemment, cela n’avait pas toujours été sa position.

Ce sondage semble démontrer qu’il faut davantage faire confiance aux personnalités publiques en lice pour demain qu’aux analystes et aux politologues. Il est clair qu’avec son intuition, Marine Le Pen a mieux perçu les humeurs et les désirs de son électorat que tous ceux qui, en chambre, bâtissaient des théories et concluaient péremptoirement que le vote de la motion de censure par le Rassemblement national allait lui faire perdre sa respectabilité durement conquise et décourager une part de ses militants. Apparemment c’est l’inverse, sans surestimer le caractère évidemment très ponctuel de ce sondage.

A lire aussi, Ivan Rioufol: Quand Macron parraine la désunion nationale

Il est facile de comprendre l’erreur assez constante des journalistes politiques dans leur approche du RN. En effet, à quelques exceptions près, ils sont enclins à confondre leurs désirs avec la réalité. Ils perçoivent mal celle-ci parce qu’elle a le grand tort de ne pas se plier à leurs vœux. C’est un mouvement subtil qui, paraissant ne pas exclure lucidité et bonne foi, les conduit pourtant souvent à faire passer leurs convictions avant les froides constatations qui devraient être les leurs.

On me pardonnera mais les émissions où les analyses les plus pertinentes ont été faites sur Marine Le Pen, le vote de la motion de censure et ses conséquences possibles, ont été celles de CNews, notamment à « l’Heure des pros », par Gérard Carreyrou.

Marine satisfaite de sa « médaille d’or de l’opposition »

Il me paraît malheureusement inéluctable que la manière étrange dont le RN est traité – il n’a pas été convié aux échanges élyséens auxquels Marine Le Pen dit qu’elle ne se serait pas rendue : la dignité affirme refuser ce qui ne lui a pas été proposé ! – va amplifier son influence et lui donner, comme sa candidate l’a affirmé, la médaille d’or de l’opposition. Quoi de mieux pour un parti qui, tout en cherchant à se normaliser – au point parfois de se banaliser – se retrouve, grâce au président de la République qui n’est plus à une volte près, gratifié du statut de dissident et d’exclu !

Ce sondage dément les analyses des spécialistes parce que les citoyens mêlent à leur adhésion une infinité de considérations (soutien au RN, hostilité à l’encontre d’Emmanuel Macron, médiocrité des autres partis, volonté éperdue de changement) qui ne sont pas appréhendées dans leur globalité. Mais il ne garantit pas que Marine Le Pen sera élue en 2027.

A lire aussi: Causeur #129: Boucs émissaires ou privilégiés? Chers fonctionnaires…

Si elle est remarquable tactiquement et politiquement pendant le trajet, je continue à penser que sa limite est de ne jamais l’être le jour J, arrivée à destination. Comme s’il y avait quelque chose chez elle qui la perturbait, la peur de gagner ? Non pas qu’elle ne le veuille pas, comme son père il y a des années, mais l’imminence de la victoire à portée démocratique l’entrave au lieu de la stimuler.

J’ai toujours éprouvé dans la vie intellectuelle, judiciaire, politique et médiatique une certaine méfiance à l’égard des prétendus sachants, des experts qualifiés, des doctes journalistes, de tous ceux qui prétendent nous enseigner ce que notre esprit, notre sensibilité et notre culture nous ont déjà appris. Ce n’est pas ce sondage qui me guérira…



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Les blâmés de la République
Article suivant L’Argentine à la tronçonneuse
Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération