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Marine Le Pen est-elle vraiment favorite pour 2027?

Jamais deux sans trois?


Marine Le Pen est-elle vraiment favorite pour 2027?
Marine Le Pen à Hénin Beaumont, 14 juillet 2023 © FRANCOIS GREUEZ/SIPA

La fille continuera à payer la rançon des errements du père, selon notre chroniqueur. Et si les Français n’ont plus honte de dire qu’ils votent RN, ils pourraient, au moment de glisser leur bulletin de vote dans l’urne, craindre de nouvelles émeutes en cas de victoire de Marine Le Pen à la prochaine présidentielle. 


Marine Le Pen n’est pas fasciste ni néonazie. Elle a procédé à une dédiabolisation sincère au sein du RN, même si ses adversaires compulsifs font semblant de ne pas y croire pour conserver leur haine bien intacte, bien au chaud. Argumenter et contester sur le plan politique serait beaucoup plus fatigant ! Je répète que réclamer l’équité médiatique et démocratique pour le RN, encore plus depuis les dernières élections législatives, ne fait pas de moi un suppôt de ce parti et ne m’a jamais conduit à être l’un de ses électeurs que par ailleurs je ne méprise pas. Il serait paradoxal d’être plus indulgent avec ceux qui crachent sur la France qu’avec ceux qui l’aiment. Je continue, au risque d’aggraver mon cas, à soutenir que ce pouvoir, en décrétant d’emblée que LFI et le RN n’appartenaient pas à « l’arc républicain » s’est arrogé un droit indu. Il n’avait pas à trier parmi l’ensemble des députés qui, par l’élection, devaient bénéficier du même respect de principe et de la même légitimité républicaine. Tout cela exprimé, je considère, sans être péremptoire, que 2027 sera sans doute la troisième et dernière défaite présidentielle de Marine Le Pen. J’ai conscience de m’aventurer en postulant que son adversaire au second tour ne sera pas quelqu’un dont l’extrémisme ferait encore plus peur que le sien. Je n’imagine pas par exemple un Jean-Luc Mélenchon y accéder et, si je me trompais, il serait probablement sèchement battu. Je me souviens d’un sondage qui, les mettant face à face au second tour, la voyait l’emporter avec 60%. Je ne crois pas que l’absence d’Emmanuel Macron, qui s’était vanté d’être le seul qui pouvait la vaincre à deux reprises, empêchera un représentant de la droite classique, du centre, du macronisme – Laurent Wauquiez, Jean Castex ou Edouard Philippe par exemple – de prendre la relève.

Les jeux ne sont pas faits

Je vais évoquer, par ordre croissant, les raisons qui font que, malgré la certitude affichée par beaucoup (pour s’en féliciter ou pour effrayer, quatre ans avant la prochaine échéance), je dénie que les jeux républicains soient faits et sa victoire acquise après deux tentatives infructueuses.

D’abord, le nom de Le Pen demeurera un handicap pour l’échelon suprême. Il maintiendra ce que la dédiabolisation largement menée à bien avait pour but de faire disparaître : le lien avec le père et les saillies, outrances et provocations historiques dont il a abusé. La fille continuera à payer la rançon des errements du père.

Ensuite, Marine Le Pen n’a cessé de progresser sur le plan technique, notamment dans ses entretiens avec les journalistes, jusqu’à parvenir à garder son calme quand tel ou telle d’entre eux pratiquait délibérément un questionnement exclusivement à charge. En même temps – et c’est une faiblesse dont elle n’a jamais pu se départir -, Marine Le Pen a et est une personnalité politique qui est bonne sans discontinuer dans son registre, sauf lors du moment crucial où la victoire décisive se gagne ou se perd. À deux reprises, elle a calé face à Emmanuel Macron et pourtant ce dernier n’a pas été éblouissant en 2022, se permettant de la traiter avec une désinvolture presque condescendante. Le problème, par deux fois, a tenu à une mauvaise articulation entre une oralité vigoureuse et volontariste mais un fond de moins en moins précis et compétent. Entre un verbe péremptoire et une substance de plus en plus approximative. Chez le téléspectateur, l’écart ne pouvait que laisser place à une impression d’amateurisme. Certes, en 2022 son score final a été meilleur qu’en 2017 mais le même blocage – avec en plus un adversaire en tête au premier tour – l’a privée d’un succès qui n’était pourtant pas inconcevable.

Des députés exemplaires

Enfin, il convient de mettre en lumière l’enseignement capital que la vie parlementaire nous a donné depuis les élections législatives (et le nombre de députés RN au-delà des espérances réalistes de Marine Le Pen) : le comportement quasiment exemplaire de ce parti à l’Assemblée nationale. Exemplarité dans la forme, perçue d’autant plus favorablement que le contraste avec LFI et l’extrême gauche était dévastateur pour ces dernières. La correction collective du groupe RN, le souci de son apparence, le classicisme superficiel imposé par sa présidente, s’ils ont permis de façonner une belle image partisane, n’ont en revanche pas fait bouger d’un iota la crédibilité du RN sur le fond. Non seulement à cause du refus obstiné de l’ensemble des groupes de répondre positivement à la moindre initiative législative du RN, dont en revanche on a accepté le soutien, mais, plus profondément, en raison des faibles variations de l’opinion publique : le RN espérait une relation entre son attitude parlementaire globalement louée, en en étonnant plus d’un et, en conséquence, la crédibilité et la confiance attachées à son programme. Mais tout démontre, pour schématiser, que la forme n’a pas suscité une adhésion accrue sur le fond. Cette impasse peut avoir pour conséquence paradoxale de banaliser le RN, qualifié de bon élève, offrant une double face contrastée : l’une qui dorénavant ne se distingue guère des conceptions de l’autorité, de la sécurité et de la justice de LR et l’autre, encore moins de la vision sociale, économique et étatique de LFI.

L’union de la droite extrême avec la droite républicaine aurait pu constituer une configuration possible mais la première n’en veut pas et la seconde y répugne, surestimant sans doute ses différences.

Mon analyse n’est pas contradictoire avec les enquêtes d’opinion à venir qui, avec Jordan Bardella, situeront probablement toujours le RN à un rang élevé et Marine Le Pen en très bonne place. Mais en 2027, lors du second tour ?

J’ose à peine évoquer un élément qui est si peu démocratique qu’on a scrupule à le mentionner. Si dorénavant on n’hésite plus à admettre qu’on va voter pour le RN, je ne suis pas persuadé qu’en revanche, au moment de glisser le bulletin dans l’urne, dans une France de plus en plus éruptive, où l’esprit démocratique s’appauvrit gravement, le citoyen n’éprouvera pas de l’angoisse face aux conséquences d’une victoire de Marine Le Pen. Moins à cause du programme qu’en raison des orages prévisibles d’un pays n’acceptant pas cette issue qui serait pourtant démocratique. Une France susceptible de continuer sur sa lancée violente d’aujourd’hui, pour un enfer demain ? 2027 ne verra pas Marine Le Pen succéder à Emmanuel Macron. Non pas grâce à lui mais à cause d’elle-même. En 2032, Jordan Bardella et Marion Maréchal, eux, seront sans doute dans la course.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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