La présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée ira-t-elle jusqu’au bout?
Faut-il craindre la révolution ? Un processus de rupture avec le système en place a été enclenché, mardi, par Marine Le Pen. A sa suite, les députés RN et les Républicains d’Eric Ciotti voteront ce mercredi la motion de censure présentée par l’extrême gauche, passant outre les insultes qui y sont exprimées sur les « obsessions de l’extrême droite ». En dépit de l’ultime appel à la responsabilité, lancé hier soir par Michel Barnier sur les chaînes de télévision, la majorité des socialistes devrait se joindre, sauf surprise, au texte inspiré par LFI. Ce soir, Barnier ne devrait plus être premier ministre. « Les dorures, je m’en fous », a-t-il expliqué dans un décor d’apparat présidentiel laissant voir, de manière subliminale, la figure d’Emmanuel Macron derrière sa propre posture de chef d’Etat. De fait, c’est bien à un régicide (symbolique) qu’appelle Le Pen, en faisant du président-monarque l’ultime obstacle à une refondation politique. La petite histoire aura à expliquer les causes plus personnelles et psychologiques du soudain raidissement de la leader RN : la non indexation de toutes les retraites, confirmée par Barnier, est un prétexte dérisoire. Reste le fait politique de sa radicalisation et de ses conséquences. Celle qui avait engagé son mouvement vers une respectabilité de bon aloi (cravates obligatoires à l’Assemblée) a visiblement décidé de couper court à cet embourgeoisement. Calamity Jane sommeillait derrière la placide Marine Le Pen, Machiavel en plus. Elle peut déjà se targuer d’avoir possédé Barnier, présumé expert en négociations, par sa politique du bluff, et d’avoir dépossédé LFI en s’appropriant sa motion. Saura-t-elle être habile jusqu’au bout ?
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Le choix d’en finir avec le vieux monde politique, coupé des gens et des réalités, relève en fait d’une audace raisonnable. L’alliance de circonstance entre LFI et le RN est certes dérangeante dans son cynisme. Elle permet à Bruno Retailleau de parler de « mélenchonisation du RN » (Europe 1, ce mercredi). Toutefois, ce rapprochement d’un jour n’est rien à côté du « front républicain » qui vit même la droite préférer Jean-Luc Mélenchon ou ses amis afin de faire barrage au RN. C’est précisément ce jeu tordu qui alimente la colère des Français, que Le Pen cherche à capitaliser. Dans l’enquête « Fractures françaises », parue dans Le Monde du 2 décembre, 3% des sondés se disent « satisfaits ou apaisés », tandis que 87% considèrent que le pays est en déclin. Seulement 22% disent avoir confiance en leurs députés et 14% en les partis. La crise de la démocratie, qui détourne les citoyens de leurs représentants, oblige à apporter des réponses. Elles passent par une remise en question d’un système oligarchique. La révolution conservatrice américaine lancée par Donald Trump est une source d’inspiration. Le futur président des États-Unis a démontré la vulnérabilité de l’establishment mondialiste face à une détermination populaire bien comprise. En ce sens, la « dynamique révolutionnaire » que craint Retailleau peut être vue, au contraire, comme une aubaine afin de sortir de cette démocratie confisquée. Faut-il rappeler aussi, aux gaullistes et à ceux qui s’offusquent des demandes de démission ou de destitution de Macron, que De Gaulle quitta le pouvoir en 1969, avant la fin de son mandat, après avoir été désavoué par un référendum sur les régions ? Les dernières législatives ont désavoué Macron.
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