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Marine Le Pen au centre de l’arc républicain?

Réforme des retraites : le Rassemblement national partout et nulle part, présent et absent. Il les rend fous !


Marine Le Pen au centre de l’arc républicain?
Marine Le Pen entourée d'autres députés lors des débats sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale, Paris, 6 février 2023 © Jacques Witt/SIPA

Aurore Bergé (Renaissance) se trompe: même s’ils y mettent beaucoup du leur, il n’y a pas que les députés LFI pour dérouler le tapis rouge au parti de Marine Le Pen. L’analyse de Philippe Bilger.


Est-il nécessaire de se pencher chaque jour sur les débats de l’Assemblée nationale alors qu’ils ne cessent de démontrer à quel point l’infantilisme mêlé d’idéologie – le pire mélange – gangrène notre vie démocratique et que les citoyens en ont honte ? Il y a LFI qui a réussi son pari : se distinguer pour le pire, pour qu’on parle d’elle avec stupéfaction et indignation. LFI parvient, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’hémicycle, à défier le bon sens, la bienséance et la correction républicaine.

La mauvaise foi abyssale du chef de la Nupes

Il y a la Nupes qui derrière une union affichée, obligatoire pour son futur, n’est pas forcément sur la même longueur d’onde que ceux qui s’adonnent à ce brouhaha permanent et grossier, qui ne laisse plus le moindre doute sur la pauvreté des répliques sur le fond alors qu’elles sont rendues délibérément impossibles. Il est effarant de constater combien Jean-Luc Mélenchon s’est dévoyé sur le plan intellectuel, politique et médiatique. Avec une mauvaise foi abyssale au point par exemple, dans un entretien de deux heures, d’être à plusieurs reprises injurieux à l’égard des journalistes et de légitimer avec ironie le geste du député Thomas Portes (exclu 15 jours) posant le pied sur un ballon à l’effigie d’Emmanuel Macron et d’Olivier Dussopt, en faisant mine de ne s’inquiéter que pour le ballon. Pour se rassurer un peu, en dépit du soutien inconditionnel de Manuel Bompard, de Danièle Obono et de Louis Boyard, on doit se rabattre sur la dissidence et la contestation discrètes de ceux qui ont été écartés. Par exemple Clémentine Autain, Raquel Garrido, Alexis Corbière et François Ruffin. Il est symptomatique de relever que ces derniers, sans craindre les coups d’éclat, apparaissent légèrement en deçà pour le tohu-bohu et ont probablement conscience que cette tactique parlementaire les dessert plus qu’elle ne les favorise.

François Ruffin, sur un mode plus net que Clémentine Autain (qui met en cause seulement l’exercice du pouvoir par Mélenchon), discute la ligne de LFI et trace son sillon qui relève d’un retour au peuple, à ses angoisses sur tous les plans et à ses difficultés. Il oppose une contradiction forte à la stratégie de Jean-Luc Mélenchon qui – c’est son immense faiblesse – se réfère, avec une modestie ostentatoire, aux « gens » qu’il invoque trop pour en être réellement proche.

Comportement formellement irréprochable

Il me semble – c’est le cœur de mon billet – que cette nouvelle donne exprimée depuis plusieurs mois par François Ruffin constitue pour lui la seule riposte possible aux avancées du RN. Ruffin mesure le péril, plus que tout autre dans son camp. En tout cas bien plus que les orthodoxes, les trublions systématiques, les inféodés à Jean-Luc Mélenchon qui font semblant de ne pas saisir à quel point ce RN massif à l’Assemblée nationale, à la fois présent mais absent (par son comportement formellement irréprochable), intervenant mais en s’économisant, habilement classique, classiquement vêtu, pèse lourd et comme, en feignant de l’oublier, par contraste, ils amplifient sa vigueur. On peut d’ailleurs se demander si LFI ne calque pas son attitude à rebours sur celle du RN. Aurait-il été débraillé et vociférant que l’extrême gauche sans doute aurait joué superficiellement l’apaisement !

Le RN, témoin, observateur, tacticien, en dehors du rituel des dénonciations stéréotypées, n’est pas assez pris au sérieux par Renaissance pour une double raison. Parce qu’Emmanuel Macron ne sera pas candidat en 2027 et qu’une lutte interne dans la majorité met déjà aux prises ceux qui aspirent à lui succéder. Aurore Bergé se trompe et devrait se culpabiliser avec son groupe : il n’y a pas que LFI pour dérouler le tapis rouge à l’extrême droite… Pourtant ils sont de plus en plus nombreux ceux qui prévoient, espèrent ou craignent une victoire de Marine Le Pen en 2027. Pour ma part je continue à penser que son principal obstacle sera ce nom de Le Pen qu’elle a contribué à dédiaboliser (quoi qu’on prétende). Mais il n’est plus du tout inconcevable, quel que soit l’avenir qui ne sera pas dans tous les cas un chemin national et international semé de roses, qu’elle l’emporte. Et si on l’essayait, elle ? Probablement une curiosité risquée que beaucoup seraient prêts à assumer. Avec ce paradoxe inouï dont la démocratie est en de rares circonstances porteuse.

Après Macron…

Emmanuel Macron, par sa faiblesse régalienne et son mépris du peuple si subtilement affiché qu’il ressemble à de l’empathie surjouée, aura beaucoup fait progresser le RN. Mais puis-je dire que pour 2027, face à elle, il manquera ? Non qu’il l’aurait vaincue en 2017 et en 2022 parce qu’il aurait été le meilleur mais seulement grâce à ce raisonnement simpliste que j’ai beaucoup entendu: qui d’autre à sa place ? c’est le moins mauvais ! En 2027, il est certain que la République ne nous privera pas de candidats de valeur. Mais à gauche et à l’extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon s’il s’obstine perdra à nouveau, François Ruffin étonnera, convaincra mais ne gagnera pas, le sympathique Fabien Roussel ne pourra pas faire oublier qu’il est communiste et qu’un petit bout de Staline reste dans son cœur, les écologistes n’ont plus que Marine Tondelier… À droite et au centre cela se bousculera : Laurent Wauquiez, David Lisnard, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Edouard Philippe… Aucune certitude de victoire contre Marine Le Pen ! C’est à cause de 2027 que ce climat parlementaire est suicidaire ; la tenue de la rue lui donnerait presque des leçons. Le RN, absent, présent, qu’on a prétendu sortir de l’arc républicain est en plein dedans : au point de présider la République en 2027 ? Pour le battre, il faudrait autre chose que des mots !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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