La presse russe a révélé, il y a quelques jours, que Marina Vlady s’apprêtait à vendre aux enchères des effets personnels, dont des objets liés à la mémoire de Vladimir Vyssotski.
Vladimir Vyssotski, le plus célèbre des « bardes » contestataires d’Union soviétique, et l’actrice française Marina Vlady se sont mariés en 1970. Mais lui ne voulait pas vivre en France et elle ne souhaitait pas s’installer en URSS. Les époux se rendaient visite, dans leurs deux pays, jusqu’en 1980, année de la mort brutale de Vyssotski. Pendant plus de dix ans, ils ont partagé leur vie conjugale entre Paris et Moscou, autant de voyages difficilement pensables à l’époque soviétique. Marina Vlady a alors obtenu 72 visas pour l’URSS, un record ! En 1987, l’actrice a publié Vladimir ou le vol arrêté, en hommage à son défunt mari, pour qui l’amour du public russe ne se dément pas jusqu’aujourd’hui. Le livre a fait l’objet d’un récital, vingt ans plus tard, qu’elle a interprété aux Bouffes du Nord, puis en tournée à travers la Russie, jusqu’en Sibérie.
L’hôtel Drouot, dans son communiqué de presse d’octobre, précise que la vacation « Souvenirs de Marina Vlady », le 25 novembre prochain, comprend l’un des trois masques mortuaires en bronze de Vladimir Vyssotski (mise à prix : 30 000 à 50 000 euros) et le dernier poème que l’artiste a écrit le 11 juin 1980 – un mois avant sa disparition – sur un billet de transport (10 000 à 15 000 euros). Seront également mises en vente de nombreuses photos de famille des années 1970 en URSS, des œuvres de Mikhaïl Chemiakine, Solomon Rossine, Ronald Searle ou Jean-Jacques Sempé, ainsi que le conte autographe Marinotchka, écrit et illustré par Jean-Luc Godard, le prétendant éconduit de Marina, sur deux cahiers à spirale. En tout, près de 150 pièces qui évoquent les souvenirs de Russie et retracent les années soviétiques du couple légendaire (cornes à boire géorgiennes, buste de Lénine, samovar du xixe siècle…).
Émoi côté russe : commentaires et racontars indignés ont aussitôt fusé. L’actrice peut-elle se délester d’un pan de la mémoire de son mari et s’enrichir à ses dépens sous prétexte qu’elle quitte la maison familiale des Poliakoff à Maisons-Laffitte ?
Nikita Vyssotski, le fils cadet de Vladimir, dit espérer qu’un enchérisseur bienveillant permettra le rapatriement des reliques de son père, qui méritent de trouver place au musée Vyssotski, qu’il dirige.
Le directeur du théâtre de la Taganka, Nikolaï Doupak, juge quant à lui préférable d’éviter qu’« un Abramovitch » s’empare du masque mortuaire. Il estime que l’empreinte du visage de Vyssotski, à laquelle il prête un « potentiel énergétique », doit revenir au théâtre, où l’artiste s’était illustré dans le rôle d’Hamlet.
Devant tant d’effervescence par voie de presse, l’ambassadeur de Russie en France, Alexandre Orlov, a même suggéré à Marina Vlady de retirer de la vente les lots liés à Vyssotski pour que ces pièces ne soient pas dispersées aux quatre vents dans des collections privées occidentales. Les experts russes du marché de l’art estiment que la cote de Vyssotski a aujourd’hui monté, et que celle des objets présentés à l’hôtel Drouot est d’autant plus élevée qu’ils appartenaient à Marina Vlady.
On rappellera qu’en 2007, le milliardaire russe Alicher Ousmanov avait acquis l’ensemble de la collection Mstislav Rostropovitch – Galina Vichnevskaïa « pour une somme non précisée considérablement supérieure aux évaluations les plus élevées faites avant la vente aux enchères », avait rapporté Sotheby’s à l’époque. Ce transfert de propriété avait permis de faire revenir la collection en Russie : un scénario que les Russes aimeraient voir se reproduire pour éviter l’éparpillement au gré des adjudications. Avis aux oligarques patriotes!
« Souvenirs de Marina Vlady », hôtel Drouot, exposition le 24 novembre, vacation le 25 novembre.
*Photo: wikicommons.
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