Avec La Montée des périls, Marin de Viry donne un roman chic, drôle et désenchanté
C’est un peu par contradiction que j’ai choisi ce titre pour illustrer mon article consacré au roman de Marin de Viry, chroniqueur à la Revue des Deux Mondes, auteur de Mémoires d’un snobé, publié par le regretté Pierre-Guillaume de Roux. Paul de Salles, personnage principal de La montée des périls, bien qu’il soit raffiné et désabusé comme Paul Morand, n’aime pas l’auteur de L’Europe galante. C’est une faute de goût, mais nul n’est parfait, même chez les snobs.
Né sous Mitterrand, détaché de la politique sous Chirac
De Salles, écrivain et critique littéraire à l’hebdomadaire La Gauloise, traîne son ennui dans un Paris devenu sans intérêt pour lui, en particulier dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés où l’on révère désormais Kim Kardashian. Marin de Viry écrit, à propos de Paul: « À 38 ans, il était né sous Mitterrand, s’était détaché de la politique sous Chirac – ses seules émotions politiques avaient été le discours de Philippe Séguin rejetant l’accord de Maastricht, prononcé en mai 1992 et que Paul avait écouté en 2000, puis celui de Dominique de Villepin à l’ONU en février 2003, ultimes soubresauts de l’expression de la souveraineté française. Depuis plus rien. » Constat affligeant car réaliste. Le désenchantement de Paul n’est pas sans rappeler celui d’un personnage de Michel Houellebecq. Mais la comparaison s’arrête là.
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De Salles porte des vestes en cachemire, pas une parka Camel Legend défraîchie. Il ne prend pas d’autostoppeuses en short effrangé à la sortie d’une autoroute espagnole. Pas son genre. La preuve, c’est qu’il va tomber lentement, très lentement, amoureux d’Erika Dauze, 29 ans, rencontrée lors d’un cocktail chic, au Palais de Tokyo, « qui ressemble à une chancellerie fasciste dévastée par un assaut d’infanterie, reconvertie après le conflit en temple de l’extase culturelle humaniste. » Comme on peut le constater, Marin de Viry ne manque pas d’humour. C’est parfois grinçant, jamais sarcastique. Erika travaille pour « une ravissante idiote » persuadée qu’elle sera un jour présidente de la République. Vous me direz, après dix ans de Macron, tout sera envisageable. Le marivaudage entre Paul et Erika semble improbable, mais il est possible que certains couples, dans des milieux très fermés, le pratiquent encore.
Souplesse de la phrase
Cela donne une scène assez savoureuse vers la fin du roman où Erika, avant de présenter Paul à ses parents, lui fait passer un examen de bonne conduite. Il faut dire que le père de la piquante élue est « un homme qui prépare très sérieusement ses réunions depuis qu’il a douze ans. » Quand je vous dis que nous ne sommes pas chez Houellebecq. Pourtant, au début du récit, l’auteur se laisse aller à une petite confidence grivoise. Il rappelle que Chateaubriand – pas une indiscrétion sur Bukowki, n’exagérons pas – avait écrit une bonne partie du Génie du Christianisme sur les fesses de Pauline de Beaumont. On comprend mieux la souplesse de la phrase du vicomte.
Marin de Viry, La montée des périls, Éditions du Rocher.
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