Icône éternelle du cinéma, Marilyn Monroe a oscillé toute sa vie entre ténèbres et lumière. Norman Rosten fait partie du peu d’êtres qui surent cerner la profondeur de l’artiste sensible et souvent mélancolique qu’elle était.
« Norma Jean Baker / Nue en diagonale / Cinquante Nembutal / D’après le rapport de l’attorney, chef du district de L.A / Norma Jean Baker, quelque chose d’anormal / Téléphone de la main droite / Il est possible qu’elle ait voulu appeler L.A », chante Jane Birkin. Ce clin d’œil pour un hommage : il y a soixante ans, le 5 août 1962, mourait Norma Jean Baker, dite Marilyn Monroe.
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Portrait intime d’une étoile tourmentée
À cette occasion, les éditions Seghers republient ce qui est peut-être l’ouvrage le plus sincère et authentique parmi les dizaines qui ont été écrits sur la star des stars : Marilyn, Ombre et Lumière, de Norman Rosten. Ce poète américain a été l’un des meilleurs amis de Marilyn. Ils se sont rencontrés à New-York, un jour de pluie de 1955, lorsqu’elle suivait des cours à l’Actors Studio avec le metteur en scène Lee Strasberg. Elle voulait devenir une « véritable » comédienne, effacer la poupée blonde à qui la Fox avait fait signer un contrat stipulant qu’elle devait absolument se faire passer pour une ravissante idiote, ce qu’elle n’était pas. Rosten ne l’a pas reconnue tout de suite, elle ne portait pas de robe moulante, elle n’était pas maquillée et ses cheveux étaient décoiffés. De ce jour, leur amitié a été indéfectible. Jusqu’à la nuit fatidique du 4 au 5 août 1962. La veille de sa mort, Marilyn a téléphoné à Norman. Apparemment guillerette, elle lui a parlé de ses projets : « Il y avait un message codé dans ses mots, et je n’arrivais pas à le déchiffrer, c’était : à l’aide ! Et elle continuait à bavarder. » On connaît la suite.
Une sensibilité lyrique salvatrice
Loin des révélations scandaleuses, des fantasmes et des racontars, Rosten dévoile une Marilyn au quotidien. Avec sa femme Hedda, ils l’ont fréquentée assidûment, ils ont assisté à son mariage avec le dramaturge Arthur Miller, et ont passé de nombreuses vacances dans la maison du couple dans le Connecticut. Elle y était si heureuse, au début, quand tout allait bien avec Arthur… Elle cuisinait, s’amusait avec sa perruche comme l’aurait fait une enfant. Et surtout, elle écrivait des poèmes. C’est aussi cela qui l’a profondément liée à Rosten, poète respecté aux États-Unis. « Est-ce-que j’écris vraiment de la poésie ? », demande-t-elle souvent à son ami, car elle n’a aucune notion de versification, mais comme l’écrit René Char : « Écrire, c’est de la respiration de noyé. »
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Marilyn a, elle, écrit pour repêcher la petite Norma Jean, son enfance broyée entre un père inconnu et une mère défaillante, trimbalée de foyer en foyer. Elle ne s’en est jamais remise. La dépression, toute sa vie, a été sa plus fidèle compagne. Alors, instinctivement, elle s’est raccrochée aux mots, comme si Marilyn devait consoler Norma Jean : « Ne pleure pas ma poupée, ne pleure pas, je te prendrai dans mes bras, et te bercerai jusqu’à ce que tu t’endormes. » Mais le 5 août 1962, c’est à coup de somnifères qu’elle s’est définitivement endormie.
Marilyn, Ombre et Lumière, de Norman Rosten, Seghers, 2022.