La chanteuse et comédienne Marie-Thérèse Orain est le témoin privilégié du Paris des cabarets et des music-halls. Elle a connu les plus grands et les derniers feux d’une époque bénie où la chanson française était un vivier de talents.
Chanteuse et comédienne, Marie-Thérèse Orain aura toute sa vie humblement et passionnément servi son art. Comédienne au boulevard, chanteuse fantaisiste au cabaret, chanteuse lyrique à l’opérette, elle n’a eu de cesse, sa carrière durant, de rebondir vers de nouvelles aventures. Témoin privilégiée de l’époque des « cabarets rive gauche » comme L’Échelle de Jacob ou L’Écluse, Yves Jeuland l’invite en 2012 à raconter cette époque dans son remarquable reportage Il est minuit, Paris s’éveille. En 2015, à l’âge de 80 ans, elle enregistre son premier album, Intacte, laissant enfin une trace de la chanteuse des nuits parisiennes, artiste qui partageait la scène avec Barbara, Brassens, Anne Sylvestre ou encore Patachou.
Aujourd’hui, on a l’impression qu’on ne doit pas pouvoir se remettre d’une main aux fesses. Non vraiment, j’ai du mal à comprendre ce monde…
Sur cet album, d’ailleurs, deux chansons sont consacrées au monde des cabarets, La Chanteuse, de Jacques Debronckart et Va lui dire à la p’tite, texte poignant écrit pour elle par son amie Anne Sylvestre.
Causeur. Vous vouliez devenir comédienne, et vous avez bifurqué vers la chanson et les cabarets. Comment cela s’est-il passé ?
Marie-Thérèse Orain. Je le dois à Patachou ! Après Oscar avec Louis de Funès, on m’a proposé trois petits rôles parlés dans la nouvelle comédie musicale d’Alexandre Breffort (qui venait de faire un triomphe avec Irma la douce). Patachou devait tenir le rôle principal. Durant les répétitions, le metteur en scène était furieux car elle s’absentait souvent pour aller donner des concerts. Il m’a donc proposé d’être sa doublure durant ses absences. J’ai rapidement appris ses airs. Un jour de répétition, j’étais sur scène en train de chanter le rôle principal au milieu des danseurs, très à l’aise, quand Patachou débarque et me voit donc tenir son rôle ! Elle est restée au fond de la salle à me regarder. À la fin de la chanson, elle s’avance jusqu’à la scène et me dit : « T’es chanteuse toi ? » d’un ton assez sec. Je lui réponds que non, qu’on m’a juste demandé de faire ça pour la doubler lors des répétitions. « T’as déjà chanté ? » me lance-t-elle. Je lui assure que non. Elle monte alors sur scène pour que je lui montre ses déplacements que j’avais appris. Et là, à voix basse, elle insiste : « Allez, t’as pas voulu me le dire devant les autres… mais t’as déjà chanté ? » Je lui réponds : « Oui, mais juste un peu, et pas seule, en chœur, dans une revue de Roger Pierre et Jean-Marc Thibault, juste comme ça .» Patachou, surprise, me dit :
