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Marie NDiaye, femme puissante


Marie NDiaye, femme puissante

Marie NDiaye

J’étais à l’étranger, en train de confronter mon identité nationale à celle des citoyens de la République tchèque lorsqu’a éclaté, dans notre beau pays de France une de ces polémiques politico-littéraires dont il raffole. Le 18 août dernier, dans un entretien accordé aux Inrockuptibles, organe central de la branchitude bien-pensante, la romancière Marie NDiaye, toute nouvellement auréolée du prix Goncourt, avait affirmé que la France de Nicolas Sarkozy était « monstrueuse ».
Pour bien montrer qu’il ne s’agissait pas là seulement de paroles verbales, elle précisait : « Nous sommes partis [à Berlin] juste après l’élection [présidentielle] en grande partie à cause de Sarkozy (…). Je trouve détestable cette atmosphère de flicage, de vulgarité ».
Etant issu d’une famille qui fit, au siècle dernier le chemin inverse pour des raisons qu’il n’est pas besoin de rappeler en détail, sinon qu’en matière de flicage et de vulgarité le Berlin, de 1933 n’était pas mal non plus, je me suis senti interpellé, et même interpellé quelque part.

Sur le moment, ces déclarations étaient passées inaperçues, mais l’attribution du prix Goncourt à l’auteur de Trois femmes puissantes leur a donné l’écho qu’elles méritaient.

Serais-je à ce point aveuglé par les avantages sybaritiques liés aux conditions de vie dans la République française pour ne pas voir que ce pays est devenu monstrueux depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée ?
Dans ce cas, Marie NDiaye serait tout-à-fait dans le rôle nécessaire et admirable de l’écrivain qui révèle par son art et son comportement social une réalité non encore parvenue à la conscience du grand public. L’exil comme protestation suprême contre la toute-puissance des tyrans, celui de Victor Hugo, Thomas Mann, Alexandre Soljenitsyne serait alors celui choisi par Marie NDiaye pour mener son combat culturel et politique.

De retour en France, je m’attendais à plonger dans une mêlée polémique relative au contenu des propos de Mme NDiaye : La France de Nicolas Sarkozy est-elle vraiment monstrueuse ? Si oui, quels traits tératologiques peut-on discerner dans l’image qu’elle offre au monde ? L’exil volontaire de Marie NDiaye doit-il être considéré comme un acte héroïque de résistance à un régime politique ignoble ?
Il n’en est rien. Le débat s’est déplacé des déclarations de la romancière (avant l’obtention du Goncourt) aux propos du député UMP Eric Raoult, invitant Marie NDiaye à ne pas transgresser un « devoir de réserve » qui s’imposerait, selon lui, au récipiendaire de la plus prestigieuse récompense littéraire française. Il n’en fallait pas plus pour que le parti des écrivains et écrivaines vole au secours d’un de ses membres les plus éminents. La stupidité proférée par un parlementaire en mal de publicité exonérait Marie NDiaye de s’expliquer plus avant sur les propos pour le moins légers, et je suis poli, tenus par elle dans les Inrocks. Merci Eric.

Ce que l’on attend d’un prix Goncourt, ce n’est pas qu’il pèse ses mots comme un sous-préfet censé incarner la République sur le territoire où il est affecté. On attend de lui qu’il fasse un meilleur usage des mots ne notre langue que ceux à qui la nature n’a pas donné le talent de romancier ou de poète.
Admettons que Marie NDiaye soit dans le vrai en qualifiant de monstrueuse la France de Nicolas Sarkozy. Je lui demande alors bien humblement, en tant que prolétaire de la belle langue, de me fournir les adjectifs me permettant de qualifier l’Iran d’Ahmadinejad, le Cambodge de Pol Pot, la Libye de Kadhafi ou le régime militaire birman.

Le Goncourt assure, paraît-il, de confortables revenus à celui ou celle qui le reçoit. Mais il n’ouvre pas un crédit illimité à dire n’importe quoi.

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