On nous présente Marianne comme « la première série d’épouvante à la française ». Huit épisodes plus tard, on se dit que si c’est ça l’épouvante à la française, c’est qu’il y a un problème. Elle n’a pas grand-chose de français et elle n’a rien d’épouvantable sinon le jeu des acteurs qui oscillent entre cabotinage et désespoir de devoir donner vie à des dialogues stéréotypés dans des décors convenus.
Créée, écrite et réalisée par Samuel Bodin, Marianne raconte l’histoire d’une jeune femme, Emma, auteure à succès de romans d’épouvante. Elle est jouée par Victoire Du Bois, ou plutôt surjouée dans le rôle de l’écrivaine destroy qui enfile les shots de vodka et qu’en n’a rien à foutre de rien, tu vois, parce que tout ça, j’veux dire, ça rime à rien. D’ailleurs, elle a décidé d’arrêter d’écrire malgré le succès, au grand désespoir de ses agents et de son assistante Camille (Lucie Boujenah qui est une des rares à surnager dans ce naufrage). Le contraste, et donc les disputes, entre Camille, au look de bonne élève charmante et timide, et Emma la proto-punk, relève comme tout le reste, de la psychologie au hachoir.
L’odieuse Emma et la gentille Camille
Lors de sa dernière signature où elle annonce son intention d’arrêter, une jeune femme un peu angoissée arrive d’Elden en Bretagne. C’est une ancienne copine de classe d’Emma. Cheveux gras, yeux cernés, débit haché, des fois qu’on ne comprenne pas qu’elle n’est pas bien dans sa tête.
Elle implore Emma de revenir à Elden parce que sa mère est devenue folle à cause de ses livres et pour la convaincre, primo elle lui donne un petit sac avec une dent arrachée, deuxio elle lui montre son corps couvert de cicatrices cabalistiques et tertio pour qu’Emma et le spectateur voient bien qu’il y a un problème, elle se pend chez l’éditeur d’Emma de manière assez grand-guignolesque.
Emma, toujours odieuse, et Camille toujours gentille partent donc à Elden et là, pour huit épisodes, c’est un festival de cauchemars, de trognes hideuses, de curés et de flics caricaturaux, le tout évoluant dans un irréalisme complet d’un point de vue narratif avec des ellipses à la tronçonneuse. On semble avoir oublié, dans Marianne, que pour provoquer la peur, il faut y croire. Il faut avoir l’impression que ça se passe dans un monde qui est le nôtre. Hors le metteur en scène réussit l’exploit de faire ressembler un petit port breton à une Amérique de pacotille.
Contrefaçon américaine
Le pire, dans cette histoire, c’est qu’elle ne fait pas rire, même involontairement. On s’ennuie terriblement. Il n’y a pas besoin d’être un amateur d’épouvante pour deviner ce qui va se passer au plan suivant. On est quelque part entre Tobe Hooper et Mocky mais sans le génie de l’horreur de l’un et le génie de la dérision de l’autre.
Vouloir se battre sur le terrain des Américains, c’est bien. Mais les imiter – on reconnaît un scénario qui aurait pu être écrit par un Stephen King anémique avec écrivain débordé par sa création et démon voyageur de corps en corps-, et les imiter mal, ce n’est pas franchement rendre service à la fiction française.
Il est pourtant possible de créer une épouvante made in France. Des cinéastes que nous ont d’ailleurs piqués les américains, comme Alexandre Aja, Pascal Laugier ou Alexandre Bustillo ont prouvé et prouvent encore qu’il y a une « french touch » dans le traitement de l’horreur ou du gore. Mais à la télé, pour l’instant rien n’a surpassé La poupée sanglante tournée par Marcel Cravenne en… 1976. Il est vrai qu’elle avait été écrite par Robert Scipion qui n’avait pas cherché son inspiration chez les autres mais s’était souvenu, contrairement aux idées reçues, qu’il y a une vraie tradition française du fantastique, et avait adapté le grand Gaston Leroux…
Marianne de Samuel Bodin, disponible sur Netflix depuis le 13 septembre. Huit épisodes de 50 minutes.
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