Le Conseil constitutionnel a entre ses mains le sort de la réforme des retraites, adoptée au Parlement grâce au 49-3. Les Sages ont donc jusqu’au 21 avril pour se prononcer. Mais, alors que la rue gronde, le 21 avril, cela semble très loin…
C’était le soir de la prise de la Bastille. À la suite du renvoi de Necker, de violentes émeutes avaient ébranlé le royaume. « C’est une émeute? Non, Sire, c’est une révolution » avait répondu le duc de La Rochefoucauld-Liancourt à Louis XVI, appelant le Roi à la lucidité…
Le 49-3, vous dis-je !
Ainsi commençait la révolution française dans un climat de tension extrême. Causes multiples et ressemblances avec une France embrasée, aujourd’hui, sur fond de Covid passé et d’inflation. Un détonateur, le 49-3, et le feu est mis aux poudres. Le 49-3, vous dis-je ! La mère des réformes, décidément, ne passe pas. Le gouvernement, sauvé de justesse après une motion de censure, a salué sa victoire. Le prince, droit dans ses bottes, a tenu un discours malin et politique, en pointant du doigt les oies du Capitole et les factieux de Bolsonaro. Le sens était clair adressé aux boomers : « Des factieux de gauche veulent mettre le désordre mais je suis là ! Le Chaos, fils de l’Erèbe, ne passera pas. Suivez mon panache blanc ! » Et s’envole pour Bruxelles. On brique les ors de Versailles pour Charles III. Le lendemain, la France entière s’embrase.
A lire aussi, Paul Rafin: La gauche totalitaire
Le téléphone pleure
Au Château, le téléphone sonne. Marianne décroche. « La rue ? Oui, Sire. Avec le peuple dedans ? Avec le peuple, dedans, Sire. Tout partout ! Même à Bordeaux ! Des factieux, des mutins, des émeutiers, des flambeurs ? Les révoltés du Bounty ? Vous y allez fort, Sire ! La légitimité ? Dame, Sire, quand on ne l’écoute pas, le peuple est dans la rue, c’est une coutume ! Avec les casseurs ? Oui, tout compris, dans le service ! Des Black bloc, mais pas que ! Le bordel ? Oui, Sire ! La chienlit ! Mélenchon le dit : « La foule, c’est le peuple qui dit non ! » Vous êtes sidéré ? Vous n’y croyiez pas ? Vous attendez l’avis du Conseil constitutionnel, le 21 avril. Et le cavalier budgétaire, vous y avez pensé ? Que je cesse de dire Sire ? Oui, Votre Majesté ! »
Au feu, les pompiers !
Le lendemain, les mêmes. Marianne décroche: « Votre intervention en Belgique ? Très mal perçue, Sire. Vue comme une fin de non-recevoir ! Votre image ? Écornée ! Nos amis allemands n’en reviennent pas. Les mutins ? Ils suscitent étonnement et admiration. Bien sûr que la semaine risque d’être chaude ! On risque d’être débordé, Sire ! Vous entendez les sirènes de pompier ?
— Je sens la fumée. Que faire, Marianne ?
— Changez de braquet ! Retirez cette loi. Vous vous rappelez le grand Charles ? La réforme, non ! La chienlit, oui ! Enfin le contraire ! Cessez de finasser avec le législatif et la Constitution ! La rue est éruptive. L’heure est grave ! Un député souhaite un « bouillonnement démocratique ! » Ne jetez pas de l’huile sur le feu ! Après le pompier pyromane, l’arroseur arrosé ? Oui, j’ai prévenu Buckingham. Eux qui avaient réservé à la France leur première visite ! Après le stade de France, ils n’ont pas de chance !
— Cause toujours, Marianne ! Je suis droit dans mes bottes. Wait and see ! Le pays doit avancer !
— Le 21 avril, c’est loin ! Décidément, vous ne mesurez pas la chance d’avoir un tel peuple, Sire !