En ces temps de colère pour tous, c’est un jeu qui pourrait être amusant que de se plonger dans les commentaires ronflants et guerriers qui ponctuaient les manifs contre le CPE par exemple, il y a quelques années. Il n’y était question que de « résistance » contre un pouvoir « méprisant », « autoritaire », et même « totalitaire ». De « l’autisme » du Premier ministre et du président, de « l’exaspération » de la population contre un pouvoir qui avait fait du mépris des jeunes « un principe et une politique ». En face, quand on ne faisait pas semblant de s’inquiéter de la mollesse de la répression policière, on moquait ces lycéens propres sur eux et bien nourris qui posaient en révolutionnaires courageux, tout en prétendant faire plier le gouvernement à coup d’AG sauvages et de mauvais calembours. Ce qu’ils ont d’ailleurs réussi à faire, pulvérisant d’un seul coup d’un seul la belle carrière de Dominique de Villepin. Sarkozy en profitera quelques années plus tard, lors des projets de « réforme » des retraites, pour incarner, menton haut et regard fier, la vraie droite, celle qui ne recule pas devant la rue…
Aujourd’hui, le meilleur élève de Sarkozy, c’est une fois de plus Hollande : pas question de céder sous la pression de la rue. Mais voilà que ce sont ceux-là mêmes qui moquaient la grandiloquence de nos jeunes et intimaient au gouvernement de ne pas faire marche arrière en 2006 qui jouent aux indignés et dénoncent l’autisme, la violence et l’autoritarisme du gouvernement. Et voilà encore que ce sont ceux-là mêmes qui naguère dénonçaient le fascisme policier sous Chirac et Sarkozy, qui moquent aujourd’hui sans vergogne les petites natures trop bien sapées qui pleurnichent à la télé parce que le gaz lacrymogène, ça pique. En quelques années, les jeunes manifestants plein d’audace qui risquaient leur quatre-heures pour défier les CRS et faire plier le gouvernement, sont passés sans hésiter du côté de ces mêmes CRS et assument à fond l’autisme gouvernemental. On peut entendre sur Internet et ailleurs les gras ricanements que suscitent chez ces gens les photos de Christine Boutin touchée par des gaz lacrymogènes. Et il est vrai qu’il n’y a pas mort d’homme. Ce n’est, dans ces farces à répétition, que la France que l’on enterre.
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