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Mariage homo : Courage, Fillon !


Mariage homo : Courage, Fillon !

François Fillon contre François Lebel sur le mariage gay

Mardi matin, François Fillon était l’invité de France Inter. Fillon est un homme politique intelligent et bien coiffé (oui, ça se voit même à la radio) mais peu connu pour ses prises de positions courageuses. C’est pourquoi je fus un brin surpris par la réponse de notre ancien Premier ministre à une question du journaliste qui l’invitait manifestement à se joindre au lynchage médiatique naissant du jour, en condamnant un texte de François Lebel, maire du 8e arrondissement de Paris. Celui-ci, dans la feuille de choux municipale, s’opposait au mariage entre personnes du même sexe parce qu’à terme, cela remettait en cause, selon lui, un certain nombre d’interdits tels que la polygamie, le mariage consanguin, l’inceste et la pédophilie. François Fillon refusait de se joindre à la joyeuse chasse à l’homophobe qui s’annonçait, en invitant « le gouvernement à réfléchir à deux fois avant d’ouvrir ce débat ». Parler de « réfléchir à deux fois» au moment où un des sectateurs de la pensée correcte vous enjoint de rejoindre la meute des lyncheurs, cela dénote un certain courage. Hélas, quelques heures plus tard, le candidat de la droite gentille se fendait d’un gazouillis visant à condamner explicitement les propos de François Lebel. Exit courage, bonjour lynchage !

Fillon rejoignait ainsi un vaste chœur de gauche comme de droite qui, dans un feu d’artifice de déclarations de chaisières outrées, se bouchait le nez et pinçait les lèvres à qui mieux mieux devant tant de beauferie franchouillarde. David Assouline stigmatisait ainsi « la droite parisienne tellement conservatrice qu’elle en est vulgaire » (le conservatisme comme marqueur de la vulgarité, est-ce à dire que plus on est progressiste, mieux on est élevé ? En cette période progressiste d’ensauvagement de l’école, ça ne se voit guère, il faudrait penser à inculquer plus profondément encore le progressisme à nos chères têtes blondes ), la candidate Anne Hidalgo quant à elle se ruait sur l’occasion pour s’en prendre à « la droite parisienne archaïque » dans son ensemble (après tout, il n’y pas que Lebel qui a le droit de faire des amalgames), sans parler de ceux qui réclamaient carrément la tête du maire, ni s’attarder sur Christophe Girard qui sur le site du Nouvel Obs a sans doute imaginé la pire des punitions pour notre phobe du jour, en administrant sans ordonnance une amphigourique leçon de butlerisme (de Judith Butler, papesse en chef des théories du genre) au pauvre Lebel : « Le sujet n’est pas un effet nécessaire, produit par la norme, il n’est jamais non plus complètement libre d’ignorer la norme qui inaugure sa réflexivité ; on se bat invariablement contre les conditions de sa propre vie que l’on n’a pas été en mesure de choisir ». Et l’ex-futur ministre de la Culture de Sarkozy de tirer de ce charabia, à mon avis à contresens, mais ça peut se discuter, que « donc (sic), [lui, Christophe Girard, n’a] pas choisi d’être homosexuel ». À moins qu’il ne veuille dire par là qu’il se bat contre sa propre condition d’homosexuel, ce qui ne saute pas aux yeux, ou à moins encore qu’il ne soit qu’un cuistre qui cherche à en mettre plein la vue à Lebel et aux journalistes avec des citations qu’il ne comprend pas lui-même. Et ce n’est certes pas dans son camp que Lebel trouvera des soutiens. On entend même le médecin Bernard Debré qui s’était déjà illustré par sa violence désinhibée contre DSK, proposer de « faire expertiser » l’infortuné Lebel. Cela devient franchement inquiétant, et ce n’est pas sans rappeler, n’est-ce pas, les z’heures les plus sombres, quand les homosexuels étaient considérés comme des gens souffrant de perturbations mentales.

Ce qui est à la fois étrange et infiniment prévisible, c’est que personne ne semble avoir vraiment lu l’éditorial de François Lebel. Celui-ci ne dit aucunement que l’homosexualité et la pédophilie c’est la même chose, mais s’interroge sur les raisons pour lesquelles, si l’interdit du mariage entre deux personnes du même sexe était levé, il faudrait interdire encore longtemps d’autres unions qui naguère encore paraissaient parfaitement tabous. Au fond, il pose la question ô combien actuelle et urgente des limites. En insistant sur l’antiquité et l’universalité de la nature hétérosexuelle du mariage, il souligne la nouveauté absolue que constituerait cette mesure. Que la moindre critique un peu virulente d’une mesure aussi inédite ait pour conséquence la mise au ban immédiate et la psychiatrisation de son auteur, voilà qui est alarmant.

Le gouvernement, avec la lutte contre l’exclusion par le mariage pour tous, se donne le beau rôle. On est à la fois moderne et juste. On répare des torts supposés et on espère prendre rendez-vous avec l’Histoire. Il est certes plus facile de se montrer innovant pour hâter le mouvement général d’indifférenciation et d’effondrement des structures symboliques de la société française, que de nous sortir de la dépression économique et de la déprime culturelle dans laquelle nous sombrons. Innover dans le sens du vent est moins risqué que de s’opposer aux tendances lourdes de l’époque. Je ne suis certes pas spécialiste de ces questions. Et le lien même indirect qui est fait ici par Lebel entre mariage homosexuel et pédophilie me semble problématique. Je comprends même qu’il puisse sembler blessant. En outre, dans l’infantocratie qui est la nôtre, la pédophilie est considérée comme LE crime capital, au même titre que le parricide au temps du patriarcat. Il paraît donc très peu probable que l’interdit de la pédophilie saute d’une façon ou d’une autre dans un avenir prévisible. Cependant je note quand même que ce n’est pas Lebel qui a « inventé » le lien entre homosexualité et pédophilie. Il parait en effet que certaines études sérieuses, et certains « homos historiques » eux-mêmes, loués par la gauche parisienne en leurs temps, ont fait depuis longtemps le lien entre ces deux comportements.

Mais le cœur du propos de François Lebel n’est pas là. Dans son bref éditorial, celui-ci pose des questions. Lebel n’est sans doute pas un intellectuel. Ce n’est qu’un élu local qui n’a pas lu Judith Butler, mais il a l’infini mérite dans les circonstances actuelles de poser des questions. Grâce lui soit rendue pour cela. En substance, il se demande au nom de quoi s’opposer à la volonté des uns et des autres de s’unir « dans une société qui n’a plus comme règle que l’hédonisme de chacun » ? Comment s’opposer à la polygamie, au mariage à trois et à l’inceste si tout le monde dans l’affaire est consentant ? Au nom de quoi discriminera-t-on entre le bon mariage pour tous et le mauvais mariage pour tous ?

Quand les lyncheurs en auront terminé avec Lebel, peut-être daigneront-ils répondre.

*Photo : UMP photos.



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Florentin Piffard est modernologue en région parisienne. Il joue le rôle du père dans une famille recomposée, et nourrit aussi un blog pompeusement intitulé "Discours sauvages sur la modernité".

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