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Mariage gay : Quimper et une mer


Mariage gay : Quimper et une mer

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Les manifestations autour du mariage homosexuel ont donné lieu à une surenchère de slogans et pancartes humoristiques, de plus ou moins bon goût, dont un certain nombre jouaient sur les termes « père » et « mère ». Tandis que des militantes « pro » affichaient élégamment « Mieux vaut une paire de mères qu’un père de merde », des manifestants « anti », venus de l’Ouest, annonçaient plus géographiquement « Dans le Finistère on a Quimper et une mer ! ».
Et le droit dans tout ça ? Et bien cela dépend justement de l’air du temps.
Aux sénateurs de l’opposition qui  prétendaient que  le mariage entre personnes de même sexe méconnaît l’enracinement naturel du droit civil selon lequel l’altérité sexuelle serait le  fondement du mariage et qui soutenaient donc que la définition de celui-ci obéirait à un critère physique échappant à la volonté du législateur, le Conseil constitutionnel a répondu d’un revers de manche : « Considérant que doit en tout état de cause être écarté le grief tiré de ce que le mariage serait « naturellement » l’union d’un homme et d’une femme » (décision n° 2013-312 DC – 17 mai 2013 – Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe). Pas de place donc, pour le droit naturel, dans le droit civil de la famille.
Étrangement cependant, s’agissant non plus de la mère mais de la mer, il a adopté une semaine plus tard une solution totalement opposée au sujet de la délimitation du domaine public maritime : « Considérant qu’en prévoyant que cette limite est fixée en fonction de tout ce que la mer « couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles », le législateur a confirmé un critère physique objectif indépendant de la volonté de la puissance publique ; que, dans l’exercice de la compétence que lui confie l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux « du régime de la propriété », il a considéré que les espaces couverts, même épisodiquement, par les flots ne peuvent faire l’objet d’une propriété privée » (décision n° 2013-31 QPC-23 mai 2013 – Limite du domaine public maritime naturel). Voilà donc que le droit naturel, chassé du Code civil par la porte quelques jours auparavant, revient soudain par la fenêtre au sujet du droit de propriété !
Le long des arrêts peu clairs, la jurisprudence constitutionnelle a des reflets changeants. Souvent le droit varie, bien fol qui s’y fie ! Pour les océans la limite naturelle s’impose à la loi, mais pour les parents, point de nature ni d’azur, c’est no limit. Dans le brouillard juridique d’une jurisprudence à géographie variable on aperçoit un père en imper, la mer naturelle et la mère artificielle, on perd ses repères, ça va être la fête des maires !

*Photo : www.gite-bretagne-tigoudoul.fr



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Juriste spécialiste de droit constitutionnel, professeur de droit public à l’Université de Rennes I

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