Accueil Médias Mariage gay : quand on s’aime, on ne se compte pas

Mariage gay : quand on s’aime, on ne se compte pas


Mariage gay : quand on s’aime, on ne se compte pas

lgbt mariage gay

J’en aurais mis ma main au feu avant même les premiers pas du cortège : les organisateurs de la manif d’hier en faveur du mariage et de la PMA pour tous (et plus si entente) ont annoncé un chiffre « maison » de manifestants juste supérieur au chiffre officiel de la préfecture de police au soir du 13 janvier dernier.

Selon l’Inter-LGBT, coordinatrice de la manifestation nationale de ce dimanche et des cortèges régionaux de la veille, ils étaient en effet 400 000 hier dans les rues de Paris, soit un chouïa plus nombreux que les 340 000 manifestants « Français, blancs et catholiques » recensés par la police quinze jours plus tôt.

L’honneur est donc sauf, et les militants de gauche et/ou LGBT amateurs de vérité officielle pourront se réjouir en lisant par exemple L’Huma de ce lundi, qui claironne sans ambages, sur toute sa première page : « Les partisans du mariage homosexuel ont réussi leur pari. 400 000 personnes ont défilé hier à Paris à la veille du projet de loi à l’Assemblée Nationale. »  Le 14 janvier, ce même quotidien n’accordait qu’une toute petite vignette en Une aux cortèges de la veille, expliquant à ses lecteurs : « La droite se refait une santé sur le mariage. Ils étaient 340 000 selon la police à défiler hier contre le mariage pour tous .»

Dieu sait que j’ai bien plus d’amis à la rédaction de L’Huma que dans celle de Libé, mais le quotidien de Nicolas Demorand a été bougrement plus malin ce matin en évitant d’évoquer sur sa Une la douloureuse question du chiffrage. D’ailleurs, en vrai, ce chiffre triomphal et magique de 400 000, on n’y croit guère plus dans « le journal fondé par Jean Jaurès », puisque dans les pages intérieures de L’Huma d’aujourd’hui, on apprend que « La manifestation nationale des partisans du mariage homosexuel a mobilisé entre 125 000 et 400 000 personnes ce dimanche à Paris.»  Aïe, aïe, aïe, elle vient d’où cette estimation ridicule de 125 000 ?  De la Préfecture de Police, hélas, dont c’est l’estimation officielle, la même Préfecture dont la même estimation officielle tenait lieu de compte certifié dans le même Huma, le 14 janvier.

Et SVP, chers amis de gauche et/ou LGBT, on est prié de ne pas traiter les camarades flics d’homophobes pour cause de chiffrage riquiqui: figurez-vous que dans un exercice touchant –et jamais vu !- de devoir de mémoire immédiate, le communiqué officiel de la PP a tenu à rappeler que la participation à cette manif était « double de celle organisée le 16 décembre », date du premier cortège parisien en faveur du mariage gay et de ses éventuelles suggestions d’accompagnement (PMA, GPA et tout le tralala). La police qui dit haut et fort que le niveau monte : peut-il exister preuve plus patente d’une lame de fond pro-mariage gay ? (Je n’ose pas parler de vague rose, on va croire que je me moque). Et pour qu’on ne puisse pas le soupçonner de l’avoir joué petit bras, le premier flic de France, Manuel Valls, a tenu à honorer de sa présence la surboum people organisée après la manif par Pierre Bergé au théâtre du Rond-Point. Les chiffres du ministère sont peut-être homophobes, mais sûrement pas le ministre.

De toute façon, ce n’est pas la peine de se prendre la tête avec ces foutus chiffres à la con, puisque la guerre des manifs n’aura pas lieu, les méchants l’ont perdue d’avance. Sur la radio RCJ, avant même que ne se lance le cortège, le porte-parole du PS David Assouline avait prévenu avec ses mots à lui : « Je ne suis pas d’accord quand on dit c’est la bataille des manifs et qui aura le plus de monde, ce n’est pas ça le baromètre du tout ». Et comme chacun sait qu’un porte-parole de parti politique ne peut qu’énoncer la vérité, il est bien évident que si la manif pro-mariage gay avait réuni dix fois plus de monde que la manif anti-mariage gay, David Assouline aurait alors expliqué que comparaison n’est pas raison…

Donc il ne faut pas comparer ce qui est comparable. Soit. Mais pourquoi ? Ben, c’est pourtant simple. Tout d’abord, parce que comme l’a expliqué Jean-Marc Ayrault, c’était même pas la peine de quitter son canapé: « Beaucoup de Français savent que le projet de loi va venir à l’Assemblée nationale. Et ils savent que même s’ils peuvent manifester, ils savent surtout qu’ils peuvent compter sur la majorité parlementaire pour que ce projet de loi soit adopté ». Bien vu, Jean-Marc, on se demande seulement pourquoi, compte tenu de ce prévisible heureux dénouement, la gauche et les LGBT ont tenu à organiser une mégamanif. Et puis comme l’ont expliqué maintes grosses légumes interrogées à chaud sur le cortège, statistiquement, le « pour » est moins mobilisateur que le « contre », quelle que soit la cause concernée. Excellent « élément de langage » décliné à l’envi hier par les politiques pro-mariage et les commentateurs affidés. Sauf qu’il peut hélas fonctionner dans les deux sens. On peut dire sans risque de froisser personne que Frigide et ses amis sont « pour » le mariage actuel et le statu quo et que tous les manifestants d’hier sont vent debout « contre ». On est bien avancé…

Non, les amis, la vérité vraie, c’est chez les organisateurs du cortège qu’il faut la chercher. Si Nicolas Gougain, porte-parole national de l’Inter-LGBT a fièrement annoncé hier le chiffre de 400 00 manifestants, son collègue languedocien Vincent Autin, président de la Lesbian and Gay Pride Montpellier, avait déjà expliqué dès la veille dans Le Midi Libre que la bataille était gagnée d’avance : « Quelle importance, les chiffres ? Une seule voix contre la discrimination, toutes les discriminations, a plus de poids que mille pour défendre l’injustice.»

1=1000, ça c’est du calcul gay friendly ! Pour les Monsieur Jourdain orwelliens de la cause LGBT, le 2 +2=5 de 1984 ne suffisait pas à faire le compte.

*Photo : K_rho.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent « Tu ne seras pas une pédale, mon fils ! »
Article suivant « L’Esprit d’escalier » : Alain Finkielkraut et Elisabeth Lévy parlent d’Israël et de Tarantino
De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération