La discussion sur le mariage homosexuel est encadrée par deux arguments massifs et il n’est pas toujours facile d’accéder à la star sans tomber sur ces deux malabars. A ma droite, le mariage homosexuel mettrait en péril les fondements de notre société. A ma gauche, le mariage homosexuel serait le signe que la société progresse. Nous voici donc tenus de défendre la bonne famille de demain – de nous « positionner », comme on dit. Non seulement la bonne société dépend de la bonne famille, mais ce débat ferait de nous des êtres responsables, ce qui fait beaucoup de mensonges en une seule phrase.
Et si l’idée de bonne famille était un oxymore social ? A quel moment la famille a-t-elle bien fonctionné ? A quel moment les enfants étaient-ils de bons enfants et les parents de bons parents ? Pour nos amis conservateurs, un seul mot d’ordre: avant. Ce qu’il y a de pratique avec le passé, c’est qu’il autorise toutes les illusions retrospectives. S’agit-il du début du XXème siècle, lorsque les névroses ont entamé leur rythme de croisière ? Nous faudra-t-il remonter au XIXème siècle pour dénicher le noyau de la famille idéale ? Je veux bien que le passé aient des charmes que le présent ne montre pas, mais la lecture attentive de la Lettre au Père ou de Clarissa Harlowe devrait nous porter à plus de prudence.
Une chose est sûre, vouloir rendre heureux un enfant est une entreprise extrêmement périlleuse. Si les homosexuels veulent se marier afin d’élever une marmaille en bonne et due forme, s’ils veulent connaître les apories de la norme et les affres de l’ingratitude, qui suis-je pour les en empêcher ? Je ne connais qu’une seule définition de la société bonne : celle qui laisse à chacun le droit de rater sa vie comme il l’entend.
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