Maria Schneider est morte. Nous ne croiserons plus son beau regard sombre et triste.
Elle fut la jeune femme lumineuse, qui paraît se soumettre au désir brutal de Marlon Brando, dans Le dernier tango à Paris (1972). La scène de la sodomie est demeurée fameuse, où l’on voit l’acteur maintenir Maria au sol, tout en amenant à lui un paquet de beurre. Elle reviendra tout de même dans l’appartement démeublé, où s’accomplissent les cérémonies de leur plaisir. Mais, au final, quand il vient solliciter un pauvre bonheur conjugal, elle le tue, pour se débarrasser de son encombrante sentimentalité ; et l’on voit le mâle, naguère triomphant, dominateur, se recroqueviller, prendre, sur le balcon où s’achève son agonie, la position d’un grand fœtus au visage apaisé…
Le film connut un succès à la mesure du scandale qu’il provoqua. Le Vatican s’émut, les ligues féministes américaines protestèrent avec véhémence, arborant des pancartes vengeresses devant les salles. Brando comprit que Bernardo Bertolucci, le metteur en scène, lui avait volé un peu de son propre personnage. Il se sentit trahi, floué. Mais sa carrière, loin de souffrir de ce rôle soufré, fut relancée au contraire. En revanche, nul ne se soucia plus de Maria Schneider. La « grande famille » du cinématographe, si généreuse, si folle, si libérale, l’ignora ; ses représentants, quand ils la croisaient, regardaient ailleurs, l’air gêné. Elle évoquait, avec une mine navrée, mais sans amertume, le sourire entendu que lui adressaient les garçons de café, quand elle leur commandait un jambon-beurre…
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