Jusqu’où un artiste peut-il aller pour protester contre une critique négative? Pour le chorégraphe allemand Marco Goecke, très très loin.
Marco Goecke, chef de la compagnie de ballet de l’Opéra d’État de Hanovre et chorégraphe, est si sensible à la critique qu’il vient d’être viré de son poste et fait désormais l’objet d’une enquête judiciaire. Le dimanche 12 février, lors de la première de son nouveau spectacle, Glaube – Liebe – Hoffnung (« Foi – amour – espoir »), au moment de l’entracte, il a pris à partie la journaliste Wiebke Hüster, critique danse au Frankfurter Allgemeine Zeitung, qui se trouvait dans le public.
Il lui a annoncé qu’elle n’était pas la bienvenue dans la salle à cause du compte-rendu qu’elle avait publié la veille d’un autre spectacle qu’il avait mis en scène pour le Nederlands Dans Theater de La Haye. Selon elle, l’effet de ce ballet consistait tantôt à rendre le spectateur fou, tantôt à l’assommer d’ennui. Goecke l’a accusée d’être responsable d’une baisse des ventes de billets. Et puis soudain, à la stupeur générale, il s’est frayé un chemin entre les spectateurs jusqu’à la critique et lui a badigeonné le visage d’excréments sortis d’un petit sac en plastique. Les matières fécales « fraîches » venaient de Gustav, son teckel de compagnie. Secourue par un employé de l’opéra, la journaliste s’est nettoyée dans les toilettes avant de se rendre dans un poste de police pour porter plainte. D’autres journalistes ont dénoncé une attaque contre la liberté de la presse. L’Opéra a présenté ses excuses à Hüster, ensuite le chorégraphe a fait de même, mais cela ne l’a pas empêché d’être renvoyé. Il est vrai qu’il avait d’abord tenté de se justifier en prétendant que son acte n’était pas prémédité et que les critiques de la journaliste étaient « personnelles ».
Il aurait même ajouté que cela faisait vingt ans qu’elle le bombardait de « merde ». La punition spontanée qu’il lui a infligée était donc adaptée au crime.