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« Marche pour la vie »: quand les journalistes vont au zoo


« Marche pour la vie »: quand les journalistes vont au zoo
Marche pour la vie, janvier 2018, Paris. Photo: OLIVIER DONNARS / NURPHOTO

C’était Martin Weill il y a deux ans. C’était Guillaume Meurice cette année. Mais aucun journaliste. A croire qu’il n’y a plus que les comiques qui se rendent à la Marche pour la Vie. Et ce n’est jamais pour se moquer des Femen, qui y font régulièrement leur petit happening.

Pour les médias, l’allusion vaut soutien

Les journalistes avaient l’excuse de la météo, exécrable ce jour-là. Ce qui me laisse penser, d’ailleurs, que l’évacuation musclée des Femen était inutile. Torse nu par 7°C, sous la pluie et le vent, elles n’auraient pas tenu bien longtemps de toute façon.

Mais sous la même météo se déroulait le même jour dans la même ville une manifestation féministe contre Trump. « Quelques centaines » de personnes y participaient (« une centaine » seulement selon le Monde !), contre « quelques milliers » à la Marche pour la Vie. Les chiffres définitifs sont de 7000 à la marche anti-Trump (Le Parisien, l’article a été modifié et titrait initialement sur « plus de 2000 ») et 8500 (préfecture) à la Marche pour la Vie. Allez, mettons qu’il y avait à peu près autant de gens : la couverture médiatique des deux événements n’en est pas moins fort différente, avec des reportages et des interviews à la marche anti-Trump, quand la Marche pour la Vie était réduite à une brève dans le bandeau défilant en bas de l’écran. Si l’on tient compte du fait que « moins de 5% des manifestations bénéficient d’un traitement médiatique au-delà de la presse locale »[tooltips content= »Rémy Rieffel, Que sont les médias ?, Gallimard, 2005, p. 296″]1[/tooltips], ce genre de choix éditorial que ne justifie aucun chiffre est parlant. Il signifie que pour bien des journalistes, l’allusion vaut soutien et qu’il faut donc la faire aussi discrète que possible quand cela s’impose.

Ce n’est pas un être humain, c’est un adulte

Pourtant, à la Marche pour la Vie, il n’y a pas que les numéros dégotés par Guillaume Meurice qui sont marrants. Il y a parfois les journalistes eux-mêmes. Ils se pointent à la Marche pour la Vie comme ils iraient au zoo, pour voir des énergumènes qui, « en 2018, sont encore contre l’IVG » (rendez-vous compte, ma brave dame) et parfois, ils essaient de ramener ces fous furieux à la raison avec des arguments imparables. Je me souviens de Martin Weill (du « Petit Journal » version Yann Barthès), expliquant à des militants du groupe « les Survivants » que l’embryon n’est « pas un être vivant ». La variante un tout petit peu plus subtile, qu’on entend aussi, est de dire que ce n’est pas un être humain. On a l’impression que, pour les journalistes, si l’embryon était un être vivant, ou pire, un être humain, il faudrait interdire l’IVG. Les journalistes sont donc des individus extrêmement rétrogrades.

En effet, évidemment, tuer un être vivant n’est un problème pour personne, ou seulement pour quelques écolos radicaux : les militants anti-IVG ne sont pas opposés à la cueillette du muguet ni à la dégustation des moules, activités qui consistent à tuer des êtres vivants. Et pour le point numéro 2 (être humain), embryon ne désigne pas la nature d’un être mais son stade de développement, comme « adulte » par exemple. Personne n’irait dire : « mais non, ce n’est pas un être humain, c’est un adulte ». Comme l’a fort bien rappelé le Professeur Israël Nisand, fervent militant pro-IVG : « dès la première cellule, c’est un être humain, ce n’est pas un castor ». Si l’avortement a pu être autorisé, c’est pour l’unique raison que juridiquement, cet être vivant humain n’est pas une « personne ». Et c’est tout.

>>> Lisez la suite de l’article sur le blog d’Ingrid Riocreux <<<

 

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Agrégée de lettres modernes, spécialiste de grammaire, rhétorique et stylistique. Dernier ouvrage: "Les Marchands de nouvelles, Essai sur les pulsions totalitaires des médias" (L'Artilleur, 2018)

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